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  • N°16 - Le canard déchaîné

    Entretien croisé avec Gabriel Matzneff et Marc Cohen
     
    Cousin d’Amérique ou frère de sang, L’idiot international interpelle tous ceux qui aujourd’hui ferraillent contre l’arrogance des puissants et le conformisme intellectuel. À l’occasion de la parution d’une anthologie (Cf. encart), nous avons rencontré deux de ses meilleurs duellistes. Ancien responsable du Collectif communiste des travailleurs des médias, rédacteur en chef de L’idiot, Marc Cohen, qui « a mis du temps a tué l’homme de gauche qui était en lui », traque à présent la bien-pensance au coté du groupe d’intervention culturelle Jalons et de la Fondation du 2 mars*. Écrivain de grand talent**, Gabriel Matzneff s’est aussi imposé depuis l’aventure de La Nation française comme un redoutable polémiste. Agitateur et pamphlétaire, tous deux incarnent la richesse d’un journal qui bouscula l’air de son temps.
     
    Comment s’est passée votre rencontre avec L’idiot international ?
     
    Gabriel Matzneff : Je suis, parmi les collaborateurs de L’idiot, un de ceux qui ont connu Jean-Edern Hallier le plus tôt puisque j’ai fait sa connaissance vers la fin de la guerre d’Algérie en 1961. C’était au cours d’une permission, alors que j’étais encore militaire. Jean Edern travaillait déjà au Seuil pour Tel quel. On avait exactement le même âge : Philippe Sollers, lui et moi, nous sommes nés dans un mouchoir de poche en 1936. Avant L’idiot, j’avais été chroniqueur à Combat, puis au Monde, toujours en tant que collaborateur extérieur. Ce qui m’importait le plus c’était écrire mes romans et rester libre. J’ai donc toujours été épaté par Dominique de Roux ou Jean-Edern qui étaient, eux, très engagés dans la vie littéraire, journalistique, sociale. Personnellement, je n’ai jamais voulu être coincé dans un organisme ou dans une rédaction. Je voulais écrire, et pour cela je devais rester un électron libre. Ma collaboration à L’idiot est probablement due au hasard de l’amitié. Sans doute après un dîner, Jean-Edern m’a t-il fait remarquer que je n’avais encore rien donné à son journal ! Je suis un paresseux, et il y a des choses beaucoup plus agréables que d’écrire des articles, et même des livres. Je n’écrivais donc que lorsque j’étais payé, et c’était spasmodiquement.
     
    Marc Cohen : Sur l’argent, Jean-Edern avait une réputation assez calamiteuse car il plantait volontiers ses créanciers. En revanche, dans tout ce que j’ai pu en voir et en vivre, il a toujours été réglo avec ses proches. Quand il y avait de l’argent, tout le monde en profitait. Bon, parfois de façon un peu caricaturale, lorsqu'il jetait en l’air des billets – de 500 francs, cela va de soit – en espérant que nous allions nous battre pour les ramasser. Très respectueux du travail, il payait bien, mieux en tout cas que les journaux installés.
     
    GM : Je n’ai pas donné beaucoup de textes à L’idiot, une quinzaine, et j’en suis très fier. Ils sont parmi les meilleurs que j’aie écrits dans la presse. Pour des raisons qui touchaient à cette atmosphère si particulière où chacun donnait le meilleur de son talent, et surtout à l’incroyable liberté qui y régnait, au fait qu’on savait qu’aucun article ne serait censuré, qu’aucune virgule ne serait ôtée.
     
    MC : C’est quand même le seul journal francophone où Gabriel pouvait écrire Michel Gorbatcheff (et non, comme tout le monde, Mikhaïl Gorbatchev !) sans être censuré par un correcteur trotskyste. Cela n’aurait sûrement pas été possible au Monde.
     
    GM : Oh, sûrement pas. Au Monde, une de mes chroniques sur Schopenhauer et Nietzsche intitulée « Arthur et Frédéric » a été transformée en « Arthur et Friedrich ».
     
    MC : Ce qui m’a fait venir à L’idiot c’est la lecture de Gabriel Matzneff, de Marc-Edouard Nabe, de Patrick Besson, de Benoît Duteurtre. Ce n’est pas du tout le côté Canard enchaîné. Pour moi la référence, le journal qu’il fallait faire c’était le New Yorker, c’est-à-dire un journal chic, décadent, décalé, intello, brillant. J’ai d’ailleurs réussi, lorsque j’étais rédacteur en chef, à caser une ou deux traductions d’articles du New Yorker. Je pense que nous n’en étions pas loin, il nous a seulement manqué des moyens. J’adorais l’idée de Jean-Edern de faire parler de l’actualité par les écrivains. Je garde en mémoire pour la vie « La Forge », un reportage de Marc-Edouard Nabe dans l’usine Peugeot en grève. Cela n’a jamais été refait ! Le reste, à commencer par ce que j’ai écrit, c’était peanuts. Je me rappelle avoir fait une double page sur les magouilles de l’édition. J’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser cette enquête et aujourd’hui, je serais content de la relire, mais soyons clair ce n’est pas ça qui m’aurait fait acheter ce journal.
    C’est pourtant aux scandales que L’idiot doit une bonne part de sa réputation sulfureuse.
     

     

  • N°15 - L’état doit-il sauver la langue ?

    Par Antoine Clapas

    La réponse semble évidente. Pourtant, l’histoire montre que l’intervention de l’État peut être catastrophique. Encore faudrait-il examiner les principes qui régissent cet État : la politique de la langue révèle toute la politique.

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