Le technicisme, la rhétorique publicitaire abîment l’âme et l’esprit. On le voit aussi en politique, où le sens du bien commun, les exigences de la vérité et les lois du dialogue sont si souvent avilis : ils mesurent l’extrême incertitude d’une campagne présidentielle où la séduction remplace la raison et fausse la parole. On le constate aussi dans l’usage courant du langage, où le plaisir et la noblesse sont moins sollicités que les automatismes de la société communicationnelle. L’ordre du langage reflète l’ordre du Politique, et actuellement, le langage est confisqué dans une chute libre : tel est le sujet de notre dossier. Mais les plaintes peuvent participer au mensonge, encadrer l’esprit démissionnaire ; c’est pourquoi nous voulons définir les conditions dans lesquelles le langage doit sortir de son commun avilissement. On pourra alors s’accorder avec Bossuet, Tocqueville ou Maurras, mais aussi avec les sommets de la littérature française : le langage a tout à souffrir de l’esprit démocratique, mais il a tout à retrouver y compris son sens populaire, dans les modèles monarchiques, royaume de France ou Royaume de Dieu.
* Victor Klemperer : LTI, la langue du troisième Reich, Pocket, 1998.