Il y a bien longtemps, un sage suisse nommé Jean-Jacques Rousseau expliquait que dans les régimes représentatifs, comme l’Angleterre de son époque, il existe deux moments bien distincts dans la vie du peuple : les jours, une fois tous les cinq ou six ans, où on l’appelle à voter, durant lesquels il est le maître, et les autres, où il redevient esclave, contraint d’obéir sans sourciller aux despotes provisoires qu’il s’est choisis. La situation contemporaine des Français est juste un petit peu moins idyllique.
D’un côté, leurs bons maîtres songent sérieusement à les punir pour leur impardonnable bévue. Dans un article écrit au lendemain du référendum sur la constitution européenne dans la prestigieuse Revue du droit public, le professeur Jacques Robert, ancien membre du Conseil constitutionnel, soulignait ainsi le « coup très rude » porté à l’institution référendaire par ces (scandaleux) résultats : « Sans risquer de se tromper beaucoup, ajoutait-il, d’aucuns affirment, non sans arguments, que le référendum est mort, en France, le 29 mai 2005 ».
Mais alors que l’on envisage d’enterrer le seul moyen laissé aux Français de secouer le joug des médias, des partis et du pays légal, et ce, précisément parce qu’ils ont osé le faire, on recommence aussi à parler des présidentielles. Car il ne faudrait pas qu’il prenne aux électeurs le désir saugrenu d’en faire un lieu de libre parole, un moyen de protester un peu vigoureusement, un substitut périodique au référendum. C’est pourquoi, à droite comme à gauche, on songe à resserrer le cadre.
Côté socialiste, Montebourg-le-tonitruant, après avoir longtemps plaidé pour l’abolition de l’élection présidentielle, jugée antidémocratique, propose désormais, dans un libelle paru en septembre, de la vider de son venin en transformant le chef de l’État en potiche décorative. Les Français voteront, mais pour du beurre. Côté UMP, le rêve est assez différent : pas question de castrer le président ; ce qu’il faut, c’est agir en amont, et exiger des candidats, non plus 200 parrainages, comme avant Giscard, non plus 500, comme aujourd’hui, mais 1000 ou 2000, ce qui éliminerait d’emblée les « extrémistes », ceux qui ont des électeurs, mais pas de réseaux, et qui grâce à cela n’auraient plus d’électeurs, puisqu’ils ne pourraient pas se présenter. Des deux côtés, on joue gagnant, suivant la même logique que celle qui recommande l’abolition du référendum : principe de précaution, réduction des risques ; et comme on ne peut pas supprimer le vote (ce serait mal), on songe aux moyens de ne plus distribuer à l’électeur que deux bulletins – en attendant de ne lui en donner qu’un seul, ce qui permettrait de renverser le schéma de Rousseau, et de le faire voter en permanence. On appelle cela la démocratie continue.
D’un côté, leurs bons maîtres songent sérieusement à les punir pour leur impardonnable bévue. Dans un article écrit au lendemain du référendum sur la constitution européenne dans la prestigieuse Revue du droit public, le professeur Jacques Robert, ancien membre du Conseil constitutionnel, soulignait ainsi le « coup très rude » porté à l’institution référendaire par ces (scandaleux) résultats : « Sans risquer de se tromper beaucoup, ajoutait-il, d’aucuns affirment, non sans arguments, que le référendum est mort, en France, le 29 mai 2005 ».
Mais alors que l’on envisage d’enterrer le seul moyen laissé aux Français de secouer le joug des médias, des partis et du pays légal, et ce, précisément parce qu’ils ont osé le faire, on recommence aussi à parler des présidentielles. Car il ne faudrait pas qu’il prenne aux électeurs le désir saugrenu d’en faire un lieu de libre parole, un moyen de protester un peu vigoureusement, un substitut périodique au référendum. C’est pourquoi, à droite comme à gauche, on songe à resserrer le cadre.
Côté socialiste, Montebourg-le-tonitruant, après avoir longtemps plaidé pour l’abolition de l’élection présidentielle, jugée antidémocratique, propose désormais, dans un libelle paru en septembre, de la vider de son venin en transformant le chef de l’État en potiche décorative. Les Français voteront, mais pour du beurre. Côté UMP, le rêve est assez différent : pas question de castrer le président ; ce qu’il faut, c’est agir en amont, et exiger des candidats, non plus 200 parrainages, comme avant Giscard, non plus 500, comme aujourd’hui, mais 1000 ou 2000, ce qui éliminerait d’emblée les « extrémistes », ceux qui ont des électeurs, mais pas de réseaux, et qui grâce à cela n’auraient plus d’électeurs, puisqu’ils ne pourraient pas se présenter. Des deux côtés, on joue gagnant, suivant la même logique que celle qui recommande l’abolition du référendum : principe de précaution, réduction des risques ; et comme on ne peut pas supprimer le vote (ce serait mal), on songe aux moyens de ne plus distribuer à l’électeur que deux bulletins – en attendant de ne lui en donner qu’un seul, ce qui permettrait de renverser le schéma de Rousseau, et de le faire voter en permanence. On appelle cela la démocratie continue.
Les Épées