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éditorial - Page 5

  • N°21 - Editorial "La politesse contre la démocratie ?"

    Parlons vrai
    « Nous n’avons plus tellement le choix. Nous n’en avons plus, parce que nous avons tout foutu en l’air. Non pas un peu, mais complètement. En Europe, il n’y a pas un pays qui ait fait une connerie aussi colossale que nous […] Évidemment, nous avons menti tout au long de ces 12-18 derniers mois […] Et avec ça, nous n’avons rien foutu pendant quatre ans. Rien. Je ne peux citer aucune mesure importante dont nous puissions être fiers – à part le fait que le gouvernement a réussi à se démerder à la fin en gagnant les élections. […] Au lieu de gouverner, nous avons menti, matin, midi et soir ! ».
    L’homme qui parle avec cette franchise désarmante est le premier ministre socialistes hongrois, Ferenc Gyurcsány, s’exprimant le 26 mai dernier devant les parlementaires de son parti. Ces propos n’étaient pas destinés à être mis sur la place publique, mais un micro était ouvert qui aurait dû rester fermé. Rendus publics le 17 septembre, ils ont déclenché quelques nuits d’émeutes et une défaite relative du parti gouvernemental aux municipales suivantes ; mais Ferenc Gyurcsány est toujours premier ministre et, au plus fort de la crise, 51 % des Hongrois souhaitaient qu’il reste à son poste.
    De quoi en tirer des leçons pour les gouvernements de tous les pays. Imaginons un peu : Bush comprenant que la seule façon de ne pas terminer son mandat par une débâcle est d’avouer qu’il a toujours su que l’Irak ne détenait pas d’armes de destruction massive. Blair retrouvant sa popularité en confessant que sa seule politique étrangère fut toujours de relayer servilement les positions américaines. Jacques Chirac convoquant le peuple français devant sa télévision pour annoncer publiquement, au 20 heures de TF1, que les affaires intérieures l’ont toujours emmerdé, qu’il n’a jamais eu la moindre idée de ce qu’il devait faire du pouvoir que les urnes lui ont donné et que son obsession antiraciste affichée n’avait jamais eu d’autre but que de camoufler son manque de convictions. medium_Philippe-Douste-Blazy.jpgPhilippe Douste-Blazy lâchant benoîtement qu’il ne sait même pas combien d’États compte l’Union Européenne, et qu’il n’arrive toujours pas à différencier la Syrie de la Libye. Ségolène Royal confessant avec gourmandise que sous ses dehors souriants, elle cache une dominatrice qui ferait passer Cruella d’Enfer pour un modèle de guimauve, et que la principale activité de son éventuel quinquennat sera de nous en faire baver. Fabius, soulagé, se délivrant enfin du fardeau de cacher qu’il n’a jamais été de gauche, et qu’il a toujours haï les pauvres. Jack Lang admettant enfin qu’il méprise les jeunes, même s’il aime bien les enfants. Sarkozy révélant enfin qu’il compte autant respecter ses promesses électorales qu’il le fit de son mandat d’officier municipal le jour où, mariant en sa mairie de Neuilly Jacques Martin à une certaine Cécilia, il réfléchissait déjà aux moyens de la lui piquer. Le même Sarko avouant en rigolant qu’il n’a pas la moindre idée de la façon d’arrêter le flot de l’invasion migratoire, et qu’en plus il s’en contrefout… Et tous en cœur de confesser que, dans leur esprit, il y a beau temps que la France est morte, et que la seule chose que ça leur inspire, c’est un lâche soulagement. Imaginons mieux encore : rendus libres par la vérité, tous ces braves gens, emportés par leur élan, décideraient enfin de renoncer à la politique, nous rendant libres du même coup. Libres d’édifier un régime où le mensonge public ne serait plus la forme obligatoire de la politique, où l’élection ne multiplierait plus les pièges à cons, où l’on pourrait enfin avoir confiance en quelqu’un parce que son pouvoir ne dépendrait que de lui, et pas de nous, parce que nous saurions d’où il vient et où il sait aller. Un régime où les mots de la politique ne seraient plus, enfin, des farces, mais de ces paroles forcément vraies, parce que libres. Où l’on pourrait ressusciter un mot si noble qu’il passe aujourd’hui pour désuet – où pourront passer nos lèvres, sans ridicule et sans honte, le beau nom de Majesté.
     

    Les Épées

  • N°20 - Editorial "Capétiens partout"

    Une ironie amère nous montre deux pays vaincus en 1945, l’Allemagne et le Japon, recouvrer peu à peu le sentiment d’appartenance, la dignité patriotique. On a vu de jeunes Allemands élever leur drapeau à la victoire de leur équipe de foot. Plus politique et profond, les Japonais sont généralement favorables à la visite de leur Premier Ministre Koizumi au sanctuaire Yasukuni, rituel auquel Hiro Hito lui-même avait renoncé au début des années 1970. Ce n’est pas que l’exaltation patriotique coïncide toujours avec la mesure des patries et les bornes de l’humanité, on ne le sait que trop.
    Mais en France, la paresse et la pente suicidaire incitent à confondre le patriotisme et le chauvinisme, qu’il faut au contraire distinguer et opposer. Le patriotisme commence par un acte d’humilité, une reconnaissance intime devant la terre des pères, qui appelle le sens des responsabilités, la volonté de bien faire autour de soi, ou de limiter les dégâts. Le chauvinisme n’en est que la caricature bête. Il exalte la fierté et l’orgueil jusqu’à l’étourdissement, flatte l’arrogance et la supériorité, en faisant résonner le vide.
    medium_patriotisme.jpgCette distinction faite, il faut admettre que la planète monde offre un curieux visage. Aux Amériques, le culte de la patrie tourne couramment à l’idôlatrie civile. On a parlé déjà des deux principaux vaincus de 1945. Là où la guerre explose, à l’Est de la Méditerranée, on voit des peuples s’affronter, qui mêlent les ressources de la religion à celles de la patrie. Et l’on découvre tout d’un coup que l’internationalisme démocratico-humanitaire se révèle coi devant des phénomènes qu’il imaginait voir s’ensevelir sous les couches éternelles du passé, et probablement inapte à nous protéger.
    En France, donc, le patriotisme – le patriotisme à l’ancienne, classique, celui de Corneille, non pas celui de Saint-Just – est mal vu, dénoncé, puni avant d’être entendu. Cela durera-t-il ? Il est permis d’en douter. Les livres d’André Makine, Max Gallo, Paul-Marie Coûteaux décrivent mieux qu’une persistance, des signes favorables pour l’avenir. Ce vingtième numéro des Épées, âgées déjà de cinq années fort remplies – bon anniversaire à tous nos lecteurs, à tous nos rédacteurs, à tous nos amis ! – fait résonner ces harmonies dans un âge que l’on croyait de glace. Oui, comme le disait un grand Prince, l’avenir dure longtemps !

    Les Épées