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  • Eglise et repentance : l'impossible rencontre

    Par Antoine Foncin 
    1963196830.jpgSi pour notre époque la confession « personnelle et auriculaire » paraît un accessoire parfaitement risible et démodé, son succédané public a pris sous le nom de repentance une extension presque universelle. Selon un calendrier bien réglé, l’évocation des martyrs de causes choisies – esclavage, colonisation, exploitation, oppression, génocides, à l’exclusion des Chouans et autres Cristeros – permet aux politiques de se livrer à des exercices codifiés d’auto flagellation ; le bénéfice moral en est assuré pour l’orateur et le dommage nul, car les fautes et les crimes qu’il confesse publiquement  appartiennent à des « hommes du passé » dont il s’empresse d’ajouter qu’il les stigmatise et les rejette. Après ces beaux et courageux exemples, chacun est invité comme l’âne de la fable à comparaître et à s’accuser, non (pas si bête) de ses propres fautes, ce qui aurait une certaine grandeur, mais de celles de sa civilisation, de sa nation, de son Etat, de son parti, de sa famille. Toutes les appartenances deviennent source d’une culpabilité envahissante, insensée, qui sert aussi à recouvrir d’une cendre hypocrite des fautes plus personnelles et actuelles.

    Mais l’Eglise ? Elle pour qui la faute et le pardon se rencontrent précisément dans le Confiteor, qui a fait de la pénitence et du repentir de saints devoirs, pourquoi ne la trouve-t-on pas au premier rang de la procession, pourquoi ne clame-t-elle pas elle aussi par la bouche du pape son peccavi ià la face d’un monde où avouer les fautes - des autres surtout - vaut absolution ? L’« esprit de Vatican II », la rupture qu’il a voulu introduire dans la Tradition devaient pourtant la conduire à une kyrielle d’aveux et de demandes de pardon pour les crimes de l’inquisition, le massacre des Albigeois, les Croisades, la Saint-Barthélemy, l’affaire Galilée, les rigueurs de l’ordre moral et  surtout l’anti-judaïsme annonciateur du coupable silence de Pie XII face à la Shoah. Une meute de journalistes, dont au premier chef le triste Henri Tincq officiant au Monde, curieusement abusée par ses propres désirs et confortée par des informateurs issus, nous révèle Michel De Jaeghere, de la frange bavarde, dite progressiste du clergé, a poursuivi cette repentance générale, aussi imminente selon elle que nécessaire, comme son propre bien, presque son œuvre que le pape était sommé de parfaire. Certains la présentèrent même à leurs lecteurs, par un trucage éhonté digne de la propagandastaffel, comme  chose faite, afin d’obliger l’Eglise à préférer passer aux aveux plutôt que d’avoir à produire de pénibles démentis.

    Or, insiste M. De Jaeghere, pour son honneur et à leur grande déception, il n’en fut jamais rien. Certes des épiscopats nationaux, parmi lesquels s’est distingué celui de France proclamant, dans une déclaration scandaleuse faite à Drancy le 30 septembre 1997, la culpabilité de son Eglise dans la déportation des Juifs, ont voulu amener le Souverain Pontife, même au mépris de l’histoire et de la simple vraisemblance, à emprunter avec eux cette grande voie pavée de bonnes intentions au terme de laquelle brillerait un nouveau printemps  (encore un) pour l’Eglise enfin réconciliée avec le monde et purgée de sa légende noire. Jean-Paul II il est vrai, à l’occasion du grand Jubilé de l’an 2000, semble aller dans leur sens en réclamant une grande purification générale de l’Eglise à son entrée dans le troisième millénaire. Mais ce que ne comprennent pas au fond les journalistes qui croient tenir enfin « leur » repentance, et que feignent de ne pas comprendre les prélats « engagés », c’est qu’une telle démarche est impossible au pape si elle accuse l’Eglise en tant que corps mystique et porteuse des promesses du Christ. Elle ne peut pas plus avoir de sens, rappelle ce même pape, à l’égard des fautes commises par les membres pécheurs de ce corps, même si ces fautes sont clairement identifiées et attribuées, comme dans le cas du sac de Byzance par les Croisés. En effet, l’ère de la Nouvelle Alliance  n’est pas celle de l’expiation collectiveii, close par le Sacrifice de la Croix. Elle est celle du repentir personnel des fautes authentiques, ce qui exclut formellement la repentance, néologisme dont le sens global répand une culpabilité indistincte qui ne peut être fondée dans la théologie catholique.

    1143211651.jpg Jean-Paul II a-t-il imprudemment engagé l’Eglise visible  sur cette route étroite et glissante où l’attendaient ses adversaires renforcés de ceux qui, en son sein, en veulent à l’infaillibilité ? Et, quoi qu’il en soit, le monde pouvait-il jamais trouver suffisants, à la place d’une confession publique, de simples regrets - les seuls possibles, et limités de plus à des fautes humaines historiquement avérées, qui de plus n’auraient pas été réparées dans la suite des temps? Que ce pape soit finalement sorti vainqueur – M. De Jaeghere nous fait admirer avec quelle finesse - des équivoques et des embûches de la repentance ne résout pas toute la question. Pour sa part, le gouvernement de Benoît XVI semble vouloir tenir fermée l’outre dangereuse et  éloigner de l’Eglise ce mot maléfique dont la fabrication est déjà une insulte à la Miséricorde divine.

    Cette « histoire d’une manipulation » tout comme son rigoureux démontage fournissent des exemples marquants de ce que peut l’alliance de la mauvaise foi et de l’ignorance mises au service du « terrorisme intellectuel », selon le titre de Jean Sévillia. Mais la repentance restera profondément comme une entreprise majeure et tout aussi exemplaire de perversion des mots et de leur sens. L’Eglise y a  clairement reconnu le sceau des portes de l’Enfer. Si malgré les périls elle a  pu en triompher, peu importe par quels moyens : cela seul suffit à notre gratitude et à notre confiance.


                                                                                              Antoine Foncin
     
     
    Michel De Jaeghere, La repentance, histoire d’une manipulation, Renaissance catholique, 2006, 214 pages, 15 euros.            


  • N°22 - Extraits d'articles

    Chapeau du dossier
    Les élections présidentielles contre la démocratie


    Dominique Wolton avait montré comment les élections étaient désormais rentrées dans une dialectique à 3 acteurs (hommes politiques / journalistes / opinion publique via les sondages). Avec cette nouvelle échéance, alors que le Parti socialiste lui-même s’est fait débordé par la construction médiatique “Ségolène Royal”, où en sommes-nous ? Quel avenir pour nos institutions sous la dictature du « système médiatico-sondagier » (Emmanuel Todd) ?

     
     
     
     
    Paradoxe de l’élection ou comment une procédure anti-démocratique est devenue synonyme de démocratie

    Depuis quelques années, quelques décennies peut-être, l’élection est devenue le symbole, le synonyme et l’unique procédure « démocratique » d’un système qui se présente pourtant comme la forme la plus achevée de démocratie. L’unique procédure, dans la mesure où tous les autres moyens de donner la parole au peuple, comme le référendum ou le mandat impératif, semblent désormais plus ou moins discrédités.
    Le référendum, par exemple, constitue le moyen par excellence de permettre au peuple, prétendu souverain, de se prononcer directement sur une loi ou sur une révision constitutionnelle. Or, malgré un certain retour en grâce au début des années 2000, il semble que le coup de tonnerre politique du 29 mai 2005 lui ait porté un coup fatal : il est vrai que ce résultat inimaginable a rappelé aux gouvernants que leur Maître, le peuple, pouvait parfois désobéir à leurs ordres et à leurs prévisions. Le referendum n’est jamais sans risques.
    Les conséquences de ce cataclysme sont de plusieurs ordres. D’une part (...)

    E. Marsala



    Un magicien nommé Marcel

    Marcel Aymé est mort il y a 40 ans, le 12 octobre 1967. Retour sur celui dont Philippe Muray écrivait dans nos colonnes qu’il restait le seul écrivain à admirer et « aussi le seul qui éclaire à mes yeux de manière précise et informée l’humanité contemporaine ».

    «C’est chose rare qu’un auteur qui cherche à se faire plus petit que son œuvre » s’étonnait  Antoine Blondin dans les années 1950 à propos de son ami le grand Marcel Aymé, le « créateur d’un merveilleux humain ». Cette réflexion explique mieux qu’aujourd’hui le quarantième anniversaire de sa mort ne soit pas même marqué. Car rien ne semble changé au paradoxe. Les contes du chat perché et Le passe-muraille sont lus dans les classes, ses romans et ses nouvelles ont les honneurs de la Pléiade. Même si, provisoirement, le théâtre semble un peu oublié, Uranus et d’autres œuvres sont, et seront adaptées au cinéma. Mais l’on s’interdit de donner à leur auteur la place qui lui revient dans l’histoire de la littérature. Marcel Aymé est comme poussé hors de son œuvre, qui semble désormais vivre et s’imposer par sa propre puissance. Cet éloge par défaut est sans doute le plus grand qui se puisse faire à un auteur, mais (...)

    Antoine Foncin




    Fabrice Hadjadj à la vie à la mort

    Comment écrire sur le livre de Fabrice Hadjadj, Réussir sa mort, déjà ancien et reconnu, comment faire le portrait d’un écrivain avec lequel on partage tant, à commencer par l’amitié ? Tel est le casse-tête auquel je me trouve maintenant confronté et que je ne saurais résoudre que par la simplicité : en exposant au lecteur ce que j’aime chez Fabrice Hadjadj. Simplement.


    Après une poignée de livres incandescents, une pièce déjà culte sur saint François-Xavier, Hadjadj a conquis un large public par ce livre dont le titre est provocateur, mais dont le contenu est plus provocant encore. À l’époque où fleurissent, dans l’hypermarché de la culture prétendument démocratisée, techniques de développement personnel et de maîtrise de soi et kits de construction de sa propre religion, ce livre vient rappeler deux choses essentielles : celui qui veut réussir sa vie la perd ; celui qui veut être sauvé ne peut passer que par la mort et la résurrection dans le Christ. J’avoue que si ce livre me touche comme il a touché des milliers de Français, c’est parce qu’il construit (...)

    François Huguenin





    Portrait de Guy Dupré en Janus, maître du temps et de la guerre

    De l’auteur des Fiancées et du Grand coucher, les plus grands ont entonné le dithyrambe mérité. Albert-Marie Schmidt l’a peint en cruel renard du Japon prenant les fillettes aux pièges de leur propres désirs, Béguin a salué l’ensorceleur, débusqué la singularité absolue de ses ressources verbales, Rinaldi a marqué l’oxymore apparent : « L’Aigle de Meaux survole avec majesté les charniers de Verdun, court se percher sur l’Arc de Triomphe pour y lâcher sa fiente qui éclabousse les gloires officielles », Nadeau fait allégeance à l’initié, l’historien l’écrivain (trois en un), Vandromme, autrement, revient à l’initié « Dupré écrit en code pour redécouvrir le chemin des secrets perdus », l’inscrit « barrésien de la grande lignée » : aux côtés de Montherlant, Drieu et Aragon, en terre de Haute Solitude où vont ceux qui savent « perdu le secret qui permet de lier la douceur à l’honneur de vivre » (1).
    Trilogie
    Un demi siècle plus tard, la trilogie romanesque reparaît, à peine augmentée, seul le dernier volet est récent, 1991. Cinquante ans après, noyés sous un déluge de mots et de livres inutiles, nous l’admirons d’avoir en trois livres donné à entendre ce qu’en cinquante, beaucoup de ses contemporains ne surent.
    Dès le premier roman, le corpus s’est fait œuvre, avant que la mort ne le ferme. Le génie a frappé, exigeant qu’à sa suite, Dupré chemine (...)

    Sarah Vajda


    + Guy Dupré : Les fiancées sont froides, Le grand coucher,
    Les mamantes, romans, éditions du Rocher, 2006.

    1. Respectivement en 1953, 1954, 1961, 1986 et 1991.