Mais en France, la paresse et la pente suicidaire incitent à confondre le patriotisme et le chauvinisme, qu’il faut au contraire distinguer et opposer. Le patriotisme commence par un acte d’humilité, une reconnaissance intime devant la terre des pères, qui appelle le sens des responsabilités, la volonté de bien faire autour de soi, ou de limiter les dégâts. Le chauvinisme n’en est que la caricature bête. Il exalte la fierté et l’orgueil jusqu’à l’étourdissement, flatte l’arrogance et la supériorité, en faisant résonner le vide.
Cette distinction faite, il faut admettre que la planète monde offre un curieux visage. Aux Amériques, le culte de la patrie tourne couramment à l’idôlatrie civile. On a parlé déjà des deux principaux vaincus de 1945. Là où la guerre explose, à l’Est de la Méditerranée, on voit des peuples s’affronter, qui mêlent les ressources de la religion à celles de la patrie. Et l’on découvre tout d’un coup que l’internationalisme démocratico-humanitaire se révèle coi devant des phénomènes qu’il imaginait voir s’ensevelir sous les couches éternelles du passé, et probablement inapte à nous protéger.
En France, donc, le patriotisme – le patriotisme à l’ancienne, classique, celui de Corneille, non pas celui de Saint-Just – est mal vu, dénoncé, puni avant d’être entendu. Cela durera-t-il ? Il est permis d’en douter. Les livres d’André Makine, Max Gallo, Paul-Marie Coûteaux décrivent mieux qu’une persistance, des signes favorables pour l’avenir. Ce vingtième numéro des Épées, âgées déjà de cinq années fort remplies – bon anniversaire à tous nos lecteurs, à tous nos rédacteurs, à tous nos amis ! – fait résonner ces harmonies dans un âge que l’on croyait de glace. Oui, comme le disait un grand Prince, l’avenir dure longtemps !