Les élections présidentielles contre la démocratie
Dominique Wolton avait montré comment les élections étaient désormais rentrées dans une dialectique à 3 acteurs (hommes politiques / journalistes / opinion publique via les sondages). Avec cette nouvelle échéance, alors que le Parti socialiste lui-même s’est fait débordé par la construction médiatique “Ségolène Royal”, où en sommes-nous ? Quel avenir pour nos institutions sous la dictature du « système médiatico-sondagier » (Emmanuel Todd) ?
Depuis quelques années, quelques décennies peut-être, l’élection est devenue le symbole, le synonyme et l’unique procédure « démocratique » d’un système qui se présente pourtant comme la forme la plus achevée de démocratie. L’unique procédure, dans la mesure où tous les autres moyens de donner la parole au peuple, comme le référendum ou le mandat impératif, semblent désormais plus ou moins discrédités.
Le référendum, par exemple, constitue le moyen par excellence de permettre au peuple, prétendu souverain, de se prononcer directement sur une loi ou sur une révision constitutionnelle. Or, malgré un certain retour en grâce au début des années 2000, il semble que le coup de tonnerre politique du 29 mai 2005 lui ait porté un coup fatal : il est vrai que ce résultat inimaginable a rappelé aux gouvernants que leur Maître, le peuple, pouvait parfois désobéir à leurs ordres et à leurs prévisions. Le referendum n’est jamais sans risques.
Les conséquences de ce cataclysme sont de plusieurs ordres. D’une part (...)
Un magicien nommé Marcel
Marcel Aymé est mort il y a 40 ans, le 12 octobre 1967. Retour sur celui dont Philippe Muray écrivait dans nos colonnes qu’il restait le seul écrivain à admirer et « aussi le seul qui éclaire à mes yeux de manière précise et informée l’humanité contemporaine ».
«C’est chose rare qu’un auteur qui cherche à se faire plus petit que son œuvre » s’étonnait Antoine Blondin dans les années 1950 à propos de son ami le grand Marcel Aymé, le « créateur d’un merveilleux humain ». Cette réflexion explique mieux qu’aujourd’hui le quarantième anniversaire de sa mort ne soit pas même marqué. Car rien ne semble changé au paradoxe. Les contes du chat perché et Le passe-muraille sont lus dans les classes, ses romans et ses nouvelles ont les honneurs de la Pléiade. Même si, provisoirement, le théâtre semble un peu oublié, Uranus et d’autres œuvres sont, et seront adaptées au cinéma. Mais l’on s’interdit de donner à leur auteur la place qui lui revient dans l’histoire de la littérature. Marcel Aymé est comme poussé hors de son œuvre, qui semble désormais vivre et s’imposer par sa propre puissance. Cet éloge par défaut est sans doute le plus grand qui se puisse faire à un auteur, mais (...)
Fabrice Hadjadj à la vie à la mort
Comment écrire sur le livre de Fabrice Hadjadj, Réussir sa mort, déjà ancien et reconnu, comment faire le portrait d’un écrivain avec lequel on partage tant, à commencer par l’amitié ? Tel est le casse-tête auquel je me trouve maintenant confronté et que je ne saurais résoudre que par la simplicité : en exposant au lecteur ce que j’aime chez Fabrice Hadjadj. Simplement.
Après une poignée de livres incandescents, une pièce déjà culte sur saint François-Xavier, Hadjadj a conquis un large public par ce livre dont le titre est provocateur, mais dont le contenu est plus provocant encore. À l’époque où fleurissent, dans l’hypermarché de la culture prétendument démocratisée, techniques de développement personnel et de maîtrise de soi et kits de construction de sa propre religion, ce livre vient rappeler deux choses essentielles : celui qui veut réussir sa vie la perd ; celui qui veut être sauvé ne peut passer que par la mort et la résurrection dans le Christ. J’avoue que si ce livre me touche comme il a touché des milliers de Français, c’est parce qu’il construit (...)
Portrait de Guy Dupré en Janus, maître du temps et de la guerre
De l’auteur des Fiancées et du Grand coucher, les plus grands ont entonné le dithyrambe mérité. Albert-Marie Schmidt l’a peint en cruel renard du Japon prenant les fillettes aux pièges de leur propres désirs, Béguin a salué l’ensorceleur, débusqué la singularité absolue de ses ressources verbales, Rinaldi a marqué l’oxymore apparent : « L’Aigle de Meaux survole avec majesté les charniers de Verdun, court se percher sur l’Arc de Triomphe pour y lâcher sa fiente qui éclabousse les gloires officielles », Nadeau fait allégeance à l’initié, l’historien l’écrivain (trois en un), Vandromme, autrement, revient à l’initié « Dupré écrit en code pour redécouvrir le chemin des secrets perdus », l’inscrit « barrésien de la grande lignée » : aux côtés de Montherlant, Drieu et Aragon, en terre de Haute Solitude où vont ceux qui savent « perdu le secret qui permet de lier la douceur à l’honneur de vivre » (1).
Trilogie
Un demi siècle plus tard, la trilogie romanesque reparaît, à peine augmentée, seul le dernier volet est récent, 1991. Cinquante ans après, noyés sous un déluge de mots et de livres inutiles, nous l’admirons d’avoir en trois livres donné à entendre ce qu’en cinquante, beaucoup de ses contemporains ne surent.
Dès le premier roman, le corpus s’est fait œuvre, avant que la mort ne le ferme. Le génie a frappé, exigeant qu’à sa suite, Dupré chemine (...)
+ Guy Dupré : Les fiancées sont froides, Le grand coucher,
Les mamantes, romans, éditions du Rocher, 2006.
1. Respectivement en 1953, 1954, 1961, 1986 et 1991.