Les éditions Flammarion ont également rendu un double hommage à son génie créatif. La revue littéraire L’Atelier du roman, dans son numéro de septembre 2005, lui livre quelques « exercices d’amitié » de la part d’écrivains ou critiques qui ont reconnu dans ses livres « un canton de [leur] sensibilité » ( Pol Vandromme ). Le directeur de cette revue, Lakis Proguidis, échangea pendant plusieurs années avec Michel Déon une correspondance autour de la création romanesque. Rassemblées dans Guerres et roman, ces lettres sont un libre dialogue esthétique autour du roman, fustigeant concepts et idéologies.
Inscrits dans leur temps, parfois témoignage du souffle de l’Histoire ( Les poneys sauvages ), les livres de Déon restent cependant ceux d’un écrivain désengagé. Les actes du colloque tenu à la Sorbonne le 5 juin 2004 rappellent ce trait essentiel de son œuvre. Loin d’un pédantisme verbeux, des interventions d’une rare qualité permettent de rendre à Michel Déon une place vivante et vraie dans la littérature d’aujourd’hui. Nous retiendrons celle de Jean-Pierre Poussou portant sur « Les paysages dans l’œuvre romanesque de Michel Déon ». Dans cette étude, il cite un superbe passage du premier ( et malheureusement introuvable ) livre de Michel Déon, Adieux à Sheila, dans lequel sa maîtrise nous semble toute entière - et précocement - contenue : « Ils partirent le long de la Tamise, à cet instant où elle cesse d’être une embouchure pour devenir un grand fleuve. Au pied de la colline de craie, le fleuve mord, sur la terre, d’une façon indécise. Les baraques de pêcheurs, construites sur pilotis, s’isolent mal du marais. C’est un village incroyable, sans forme, sans ordre, où les roulottes privées de rues alternent avec les grosses baleinières ventrues et lourdes renversées par un coup de marée, dont les familles aussi ingénieuses que pouilleuses, ont fait des logements, perçant des fenêtres et des portes dans la coque. Sur les devantures des bistrots, des noms pour Joseph Conrad. De temps à autre, une montagne de coquillages vides, de carcasses exhale sa puanteur. Les pubs distribuent un whisky frelaté ou une eau-de-vie sirupeuse que l’on boit dans des grands verres à bière. Les joues des vieux pêcheurs s’ornent encore de favoris. Ils marchent pesamment, détachant les pas, bottes de caoutchouc jusqu’aux hanches. »
Œuvres, Michel Déon, Quarto, Gallimard, 2006.
L’Atelier du roman, n° 43, septembre 2005, Flammarion – Boréal.
Guerres et roman, Michel Déon et Lakis Proguidis, Flammarion, 2005.Michel Déon, aujourd’hui, sous la direction d’Alain Lanavère, Thierry Laurent et Jean-Pierre Poussou, Presses universitaires de l’université de Paris Sorbonne, 2006.