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voyage

  • A Roman Week End in Cumbria : une réflexion sur le conservatisme.

    Par Jérôme L.J di Costanzo

    2077682521.jpg Cela aurait pu commencer comme une de ces autobiographies à compte d’auteur, une de ces petites destinées littéraires, insipides et inintéressantes qui pullulent en Grande-Bretagne. Ce dernier, prétendant à la succession, en futilité, d’Oscar Wilde, vous subirez à la lecture de l’ouvrage, un enchaînement stylistique d’inodores flatulences désespérément apocryphes. Et de surcroît, affublé d’une prolifération de détails plus ennuyeux qu’utiles, nous faisant penser à l’occasion, qu’un  Flaubert fut un écrivain distrait et léger.
    Un petit objet que vous pouvez acquérir pour un peu moins de 15£ pour ne pas vexer votre hôte, qui a eu la délicatesse et la charité chrétienne de vous inviter à son cocktail de Première. Avoir sa vie résumée entre un champagne tiède et des sandwichs mous, quelle angoisse !

    Eh, oui! Cela aurait pu commencer comme ce genre de littérature acidulée et égocentrique : « Il y a  quelque temps de cela, J’eus l’opportunité, à l’invitation de Douairière Angéla Strickland, que ses petits-enfants confondent dans leur candeur infantile avec la Reine, à séjourner le temps d’un Week End, en son Château de Sizergh, prononcé « Saïzere». » Etc.

    Des Gens  de la Frontière

    Plantée en plein milieu d’une toile de Ruskin, dans le « Lake district », un fond d’un vert exacerbé, violent, bordé d’un liseré blanc argenté, vous donnant l’impression d’un flou permanent. Un paysage qui inspira tant de pré-raphaelistes, c’est la Cumbria, au Nord de l’Angleterre.
    Le corps central du bâtiment  ne laisse aucun doute, c’est à l’origine un fort, un bloc de pierre marquant le territoire, le « king-dom », le domaine du roi. Sizergh se tient là depuis le 14éme siècle gardant aux Septentrions la « Border» écossaise. C’est sa vocation de prévenir toute invasion ou raid des terribles clans  Ecossais des Lowlands comme les Johnston, Douglas, Armstrong ou autre Moffat. À cet effet au 16éme siècle, le seigneur de l’époque, Williams Strickland forma un régiment de 290 hommes d’armes.
    La famille fait partie de la noblesse, la vraie, à ne pas confondre avec l’Aristocratie. La noblesse est un conglomérat, où chaque composante est  fondue l’une dans l’autre, et où l’une n’a de sens que dans la dynamique que lui donne l’autre. Il y a un «, ‘ je ne sais quoi » du principe de la Sainte Trinité dans la noblesse, de la grâce d’un Evangile. Elle est, en fait, l’amalgame d’un lieu, d’une famille et d’une foi, cette dernière consacrant le tout et l’ensemble étant maintenu par un ciment indissoluble : la Loyauté à une Eglise, a un Roi, à une Terre. 
    L’équation des Strickland, leur vocation est la suivante et est irrévocable : la « Border » est leur domaine, leur dynastie, partisans des Stuarts et enfin, leur seule église, la Catholique Romaine.
     Et cela est indissociable et spirituellement  pas négociable! Même le temps d’un Week End à la teinte pré-raphaeliste, vous comprenez maintenant pourquoi, il fut, (catholique) Romain en Cumbria.

    De la première des Ruptures

    774489536.jpg Des «Catholiques anglais» ! et cela sans discontinuer depuis la Réforme. Je dois dire que la chose ne manque pas de panache et d’élégance, voire de courage. Malgré les persécutions, les intimidations, les relégations et les soupçons, ils sont  toujours attachés au dogme de notre Sainte Mère l’Eglise.
     Je suis toujours tenté par la comparaison de la rupture anglicane avec la Révolution française : on ferma des monastères, brûla des églises et l’on exécuta des prêtres qui avaient refusé d’abjurer leur Pontife. Sur ce plan, un Saint Thomas Moore  rejoindrait un Edmund Burke.
    John Campion, le « sedicious Jesuite », et martyre anglais, n’avait-il pas clamé de sa geôle, avant son exécution, « en nous condamnant, vous condamnez vos propres ancêtres, vous condamnez tous les anciens évêques et rois, vous condamnez tout ce qui était autrefois la gloire de l'Angleterre ... ». Au nom de la « liberté de croyance » et après au nom de la «raison», on débarrassa, non sans une violente terreur, le peuple  de ses «superstitieuses» habitudes Romaines !
    La politique de la «table rase» pour imposer une abstraction de la raison, il s’agit là, (me le  permettant en tant qu’essayiste, sans aucune prétention historique ou théologique), de la « Première Rupture », une illusoire foi dans les vertus de l’éradication en vue de matins meilleurs.
    Sizergh fut à cette époque un sanctuaire catholique, avec ses prêtres inscrits comme peintres ou bien à l’image d’un Christ ressuscité comme jardiniers, avec ses chapelles discrètes installées dans des placards ou réduits, des « priest  hole » qui permettaient aux religieux de s’échapper, communion donnée.  Les Strickland accolent à leur histoire toutes les traditions et légendes de cette Angleterre « popish », une religion secrète à l’époque!

    « Si notre religion fait des traîtres nous méritons d’être condamnés ; mais autrement nous sommes et avons été les véritables sujets que la Reine a toujours eu ».   Saint Edmund Campion

    Fidélité et dévotion,

    Entrons maintenant dans le corps de la citadelle. Il aurait été bien venu d’y être accompagné par une sonate de Georg Muffatt, le compositeur allemand était issu justement, de cette diaspora catholique de la fin du 16me siècle et qui avait immigré sur le continent pour fuir les persécutions.
    Je déambule, et luxe suprême, librement de chambre en chambre. Une cuisine élisabéthaine pouvant contenir un pub, avec un âtre assez large pour rôtir un bœuf entier. Au centre de l’édifice  dans ce qui fut le donjon primordial, « the Banquet Room » et, adjacente la chambre destinée au seigneur de la place. Voyage dans le temps, Art de la mémoire, ma visite tournait à une exhortation ésotérique. De chambre en chambre, la mémoire se recompose, une logique apparaît. Une logique que l’on avait perdue, celle de l’Avant-modernisme, celle de la Tradition.
    Les Rois ! Leurs rois ! devrais-je dire. Leurs portraits en couvrent les murs. Charles I, et le II, James II, qui dut abdiquer pour s’être converti au catholicisme. Roi, roi en exil, et « par-delà les mers », que les Strickland suivront. Comme l’amiral Roger Strickland, héros de la bataille des 4 jours contre les Hollandais, qui suivit James II à St Germain où il y mourut. Cela valut à la famille d’être placée sur la liste des « traîtres jacobites » restés fidèles au roi déchu. Traîtres parce que fidèles à leurs convictions, loyaux à leur serment d’obédience, le paradigme ne manque pas d’absurdité.
    Enfin, une chambre me fut attribuée, j’y parvenais par un grand escalier bordé de portraits d’ancêtres, pas seulement des Strickland, mais des Matthews, des Angelheart, Cox et d’autres Catholiques, de diverses origines : irlandaises, française, allemande, voire quelques grand-mères maltaises, ressemblant trait pour trait à la Claudia Cardinal du « Guépard » de Visconti. Oui des femmes qui ont su transmettre et maintenir la religion, ce qui est symptomatique d’une certaine élection.
    Les Stricklands ont continué  bon gré mal gré à assumer leur destin, leur devoir, condamnés a un nomadisme, ils devinrent des officiers de marine, que leur pérégrination amena  jusqu’à Malte, pour  être fait Marquis de la Catena, par le Grand Maître de l’Ordre Souverain de Malte.
    Ils prirent souche sur cette île, où ils furent des acteurs importants de l’Indépendance. Le Baron Gerald Strickland devint « Premier ministre » de 1927 à 1932. Sa fille Mabel, journaliste au « Times Malta », resta dans les annales de l’île pour ses controverses passionnées avec le Premier ministre maltais de l’époque Dom Mintoff.

    Afin de calmer mon exaltation romantique, que je dois certainement à de lointaines origines écossaises. Je partis à la recherche d’un livre, pour couronner cette journée par quelque ponctuation pouvant s’accorder harmonieusement avec le lieu. Je découvris ainsi un petit objet littéraire, au demeurant sans prétention, mais en parfaite adéquation avec le moment : « jacobite essays » de Mary Wakefield, édité par, (ça ne s’invente pas) par Titus Wilson & Son, Kendal, 1922. J’ouvris l’ouvrage et la prose romanesque et exaltée de l’auteur  m’entraîna vers des songes où les combats désespérés ne manquent pas de beauté : des derniers carrés de baroud d’honneur, baïonnette en avant, ou inextremiste on sauve les couleurs, ou les combattants héroïques n’acquièrent qu’Honneur et n’atteignent l’Eternité qu’avec une loyauté indéfectible envers leurs convictions.

    Tory !

    323611664.jpg Tory est le surnom des conservateurs dans les pays Anglo-saxons. Le terme aurait pour origine le mot irlandais « Torai » signifiant « fugitif »  ou « Hors la loi », cela à l’origine qualifiant les partisans du roi Stuart. C’est pour cela que j’ai accolé un point exclamation, comme si on voulait pour l’éternité les interpeller.  Et ne pourrait-on pas mieux qualifier les Strickland de « Torys » de l’histoire : catholiques quand cela fut interdit et partisans du roi quand celui-là par vox populi fut chassé du pays. Des rebelles aux yeux des séculiers et des dévots fidèles à leur foi et obédience. C’est ici une constante du conservatisme et cela de Don Quichotte à Churchill.
    Les Strickland font partie de ce que Burke appelait la « paegeantry », qu’il symbolisa par l’image du « vieux chêne », cette structure nobiliaire, gardienne des valeurs et de la logique historique d’un pays.  Et cela, dans la même catégorie que des Churchill, qui devinrent Ducs de Malborough, et dont un des rejetons Winston sut trouver les mots pour faire triompher son pays de la barbarie nazie. Ou bien comme ces petits nobles Anglo- Normands d’Irlande, les Wesley, parmi lesquels le Duc de Wellington, vainqueur de Bonaparte et père de l’Angleterre moderne. Fidèle à la mémoire d’un Simon de Montfort, Earl of Leicester, qui au 13éme siècle formera le premier Parlement élu de l’Histoire, sortant ainsi le pays de la guerre civile. Les familles nobles britanniques ne sont décidément pas sans vertu, quand il s’agit de faire relever le menton à un peuple.
    Et nos Strickland de Sizergh sont de cette même race, que cinq cents ans de modernisme n’ont pas réussi à aliéner. Ils seront toujours là pour garder la frontière, là-bas au nord de l’Angleterre. Et c’est un Espoir.


  • Revenir à Hartwell

    Par Jérôme L.J di Costanzo

    1049225037.jpgLes britanniques se plaisent à dire que Louis XVIII fut le plus Anglais des rois de France. En effet, lors de sa fuite de Paris le 20 juin 1791, il est fait état d’un certain Michael Foster, sujet britannique parlant français avec un fort accent anglais.

    Les chemins de l’exil pour le frère du roi furent longs et sinueux, ils passèrent par l’Allemagne, l’Italie, la Lituanie et la Pologne, pour enfin trouver refuge en 1807 en Angleterre. D’abord à Gosfield Hall  puis, après la mort de Marie-Joséphine de Savoie en 1810, à Hartwell House, situé à une heure de voiture de Londres, accessible également par le train, à Marylebon. La demeure royale se trouve dans le Buckinghamshire, à Ailesbury à quelques kilomètres d’Oxford avec sa façade jacobetaine, plantée dans un grand parc dans un paysage, tout droit sorti d’une peinture de Gainsborough, avec une église et des écuries adjacentes converties aujourd’hui en Spa.

    Hartwell est charnellement attaché à Louis XVIII. Dans Le comte de Monte Cristo, Dumas nomme le monarque l’ « Exilé d’Hartwell » , Victor Hugo dans Les Misérables écrit que « La table de sapin d’Hartwell prit place devant le fauteuil fleurdelisé de Louis XVIII » . C’est sur cette dernière, qu’il signa d’Hartwell la « Charte Constitutionnelle », assisté de Monseigneur de la Fare, évêque de Nancy.
    Aujourd’hui c’est dans ce même salon que vous pouvez prendre le thé, servi dans les règles de l’art par un personnel attentif et fier du patrimoine français de leur établissement. Il m’a été rapporté que les propriétaires écumaient les antiquaires d’Angleterre et d’Europe afin de trouver mobilier et souvenirs de notre roi en exil et de sa famille.

    C’est ainsi qu’à mon arrivée, je pus admirer un portrait de la duchesse de Savoie. Sa Majesté était soutenue par deux managers des lieux, arborant un sourire de chasseurs ramenant leur trophée. Les chambres ont gardé les noms de leurs illustres occupants : la suite du roi, la suite du Duc de Berry, ainsi que celle de la Duchesse d’Angoulême. Tout a été respecté et la mémoire anecdotique des lieux conservée pieusement. On apprend que la cour intérieure du dernier étage était à l’époque utilisée pour élever des cochons et de la volaille pour l’usage des cuisines de la cour. Car notre roi n’était pas riche, il recevait une rente de la part du gouvernement britannique et de la cour du Brésil, s’élevant environ à 600 000 francs. Avec cela, il devait subvenir à l’entretien de sa demeure, rémunérer son personnel, ses protégés et ses agents dans les différentes cours d’Europe. 
    On peut se restaurer à Hartwell et se restaurer bien. Le restaurant propose une excellente « formule déjeuner » pour approximativement 15£ (vin non inclus). Vous serez servi dans la salle principale ou, si vous le désirez dans un salon privé, ou encore dans ce qui était la Chapelle Royale. La carte, en général, est d’un excellent rapport qualité prix, ceci pour les rescapés des « coups de matraque » du « Central London ». L’hôtel vous donne le choix entre différentes chambres ou suites à des prix à la portée de toutes les bourses. On peut opter pour une des formules « week end », un plus s’ajoutant au plaisir du repas. Le personnel très professionnel est là, pour être à l’écoute de votre moindre souhait, jusqu’à vous proposer de prendre votre café dans un des salons.

    Venez à Hartwell House, on vous y attend, vous retrouverez la Cour de France. Si vous en doutez encore, lorsque vous y serez, allez dans ce que furent les appartements du roi pour contempler la bibliothèque ou par la fenêtre découvrir la campagne anglaise. Là, vous pourrez encore entendre comme un écho, la voix du Marquis de Mainsonfort s’exclamer à la nouvelle de la signature du traité de Paris : « Sire ! Vous êtes Roi de France » et Louis XVIII lui répondre : « Est-ce que je n’ai jamais cessé de l’être ? » .

       

    Jérôme L.J di Costanzo 
     
     
    1.Chapitre VI, le substitut du procureur du roi
    2.Chapitre XVIII, recrudescence du droit divin.
    3.Hartwell House Oxford road, near Aylesbury Buckinghamshire, HP17 SNL, tel : 01296 747444 Fax : 01296 747450 e-mail: info@hartwell-house.com  www.hartwell-house.com