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  • N°7 - Editorial "Mort de la trahison"

    Devant l’affadissement du vocabulaire politique, Léo strauss préconisait le retour aux vocables issus des grands textes grecs, ceux d’un Aristote et d’un Xénophon par exemple. Les Épées peuvent bien, à leur façon, servir ce bel objet. Prenons le mot “trahison”. Il retentit tout d’un coup, renvoit à l’image du traître lui-même, à l’infamie et au châtiment qui le va bientôt frapper. Il fut un temps où la chasse aux sorcières équivalait à la chasse au traître ; où trahir sa classe, son Parti entraînait une mort certaine. L’ombre des traîtres hante littéralement la littérature, elle envahit le théâtre de Shakespeare, où le monde paraît se renverser plusieurs fois. medium_pipe.jpgAujourd’hui, au contraire, l’usage de ce mot tend à se perdre. Redoutable, il relève surtout de la polémique, écrasé qu’il est par l’interchangeabilité des valeurs, la subjectivité des points de vue et l’indécision des situations.

    Réfléchir sur la trahison conduit malgré tout à s’interroger sur l’essence même du lien politique. Dans cette notion se révèle en effet la dimension tragique de l’existence des hommes ; pour Boutang, elle signifie « qu’il est d’essence originelle de l’homme d’être engagé à sa communauté réelle, et de subordonner toute opinion et tout système de valeurs, si bien fondés qu’ils soient, lorsqu’il s’agit de cette communauté ». Une telle réflexion paraît d’autant plus nécessaire lorsqu’une camarilla de délateurs prétend chasser les nouveaux traîtres et s’efforce de banaliser les ostracismes, selon l’antique habitude démocratique.

     

    Les Épées
  • N°6 - Editorial "L'amour brisé ?"

    Le souci politique de l’amour ne serait-il pas à redécouvrir ? Sans amour, l’être humain se dessèche, l’ordre social se perd, et la civilisation se dissout. Dans l’amour que se vouent deux êtres, la société demande à naître, à se renouveler, à se désirer elle-même en établissant la continuité des hommes. A travers l’amour, c’est au fond l’ordre de l’être que la société humaine recherche ou magnifie.  Il suffit que l’amour soit tronqué pour que se brisent les familles, semant doute et discorde dans le cœur des enfants, et c’est ainsi que l’Etat en vient à remplacer le rôle des parents. Il suffit que l’amour ne soit plus ressenti comme la plus haute responsabilité et la plus grande joie de l’homme pour que la perception de la Justice et du pardon, pour que le goût des solidarités humaines tendent à se dissoudre, au profit de l’amertume et du dégoût.

    Aujourd’hui, les pathologies de l’amour (ou de ses mille différentes copies) révèlent la faillite de la philosophie moderne à medium_nounours.jpgassurer la pérennité des relations humaines, à fonder la société sur le propre de l’homme. Le divorce, le suicide, la pornographie, la solitude amère signalent toute la crise de l’amour, qui ne cesse de fragiliser ou d’amputer l’homme, alors même que la satiété est le grand Credo de notre société. Il y a dans les représentations modernes de l’amour une imposture : l’amour n’y est plus que plaisir, objet de consommation, il n’est plus cette noble volonté de donner, d’espérer et de s’engager pleinement envers l’autre. Ces représentations ont une incidence dramatique dans les mentalités et les comportements : l’amour mal dirigé ou mal incarné ne révèle-t-il pas une haine de soi, un renoncement à l’humanité même ?

    Dénoncer les illusions qui minent l’amour est donc devenu une mission à la fois morale et politique, soucieuse de l’être et de la civilisation. Ce n’est pas un hasard si notre dossier, à propos de l’amour, parle de politique, de philosophie, de sociologie et de littérature : c’est que dans tous les cas, la tâche consiste à retrouver un ordre vivant.

     

    Les Épées