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N°27 - Le royalisme politique : état des lieux

Par Antoine Clapas

fdlys.jpgHypothèses, suggestions, objections : cette «Place royale» a décidément pour mission de sortir du confort intellectuel. Pour avancer, il est quelquefois nécessaire d’aller contre soi-même.

Les gens sérieux se demandent toujours pourquoi les royalistes existent encore, à une heure où la couronne évoque le dentiste davantage que la tradition capétienne. Pourtant, cette nébuleuse continue à vivre à travers des revues, des magazines, des cercles, des colloques et des conférences, des commémorations et des fêtes.
Les raisons pour lesquelles des Français de 2008 se disent « royalistes » sont très diverses. Il y a bien sûr des héritages familiaux et des transmissions idéologiques qui se combinent avec un rapport théorique et/ou mystique au Prince. Il y a des royalistes “maurrassiens”, et d’autres, marqués par Bernanos ou par Boutang ; il y a des spiritualistes et des traditionalistes, des réalistes politiques et des ésotéristes… toute une variété qui apparaît sitôt que l’on cherche à détailler ce que le mot « royalisme » englobe aujourd’hui.
Crise ouverte
Le royalisme connaît une profonde modification depuis la disparition par à coups mais certaine de l’Action française, tandis que la NAR survit. On pourra toujours rechercher des raisons internes à cet affaiblissement, mais il faut bien avouer qu’il reflète le processus général d’atomisation et de dépolitisation de la société contemporaine. Depuis la guerre d’Algérie, nous vivons la fin des grands récits, une certaine sortie de l’histoire, la diminution du rôle de la France dans le monde, le déclin du sens de la nation : phénomènes terriblement corrosifs pour l’imagination et la volonté. Sans mythe, sans épopée collective, sans rassemblement symbolique, un projet politique peut-il aboutir ?
Le déclin du royalisme politique n’empêche pas celui-ci de s’exprimer, on l’a dit, à travers une presse, un certain nombre de cercles et par le biais d’Internet. Mais la pérennité de ce courant est-elle assurée sans une visibilité à travers des mouvements politiques ? Certes, la recherche intellectuelle se poursuit : c’est aux générations de la NAR, à celles de Réaction et à celles des Épées de la garantir pour l’avenir. Mais avec une différence : autrefois, le royalisme était vivifié par des statures, c’est-à-dire, des auteurs reconnus au-delà de leur engagement politique grâce à leur étoffe intellectuelle : sans remonter à Maurras ou à Bernanos, on peut citer les noms de Gustave Thibon et de Pierre Boutang. Ces figures ont disparu et ne sont pas remplacées – ce déclin touche certes toutes les familles de pensée.
Ici, quitte à endurer l’ire de certains lecteurs, je voudrais ne reculer devant aucune question. Non pas pour caresser la mort, mais pour prévenir contre des masques. Sans doute, une certaine forme de royauté me paraît a priori préférable à la démocratie républicaine dans laquelle nous vivons. Mais il faut se demander honnêtement si l’évolution du royalisme n’indique pas une crise plus profonde, qui affecte sa possibilité même. Elle tient au fait que l’attachement au « roi » constitue une fidélité plus qu’un projet politique et social, et que la France n’est plus en monarchie… depuis 1848 ! Le Roi s’est fait imperceptible, rangé parmi les figures de l’histoire. Autrement dit, en monarchie, il n’est pas sûr que l’on ait besoin du royalisme : le lien au Prince, le consentement sont là. Dans une situation comme la nôtre, le royalisme politique devient une nécessité un peu paradoxale, en mettant de l’idéologie là où devrait exister une forme d’habitude et de confiance. Il ne remplace pas le roi et peut interférer avec le dialogue que le Prince doit en principe entretenir avec son peuple.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour la plupart de nos compatriotes, la question de l’adoption du gouvernement monarchique ne se pose pas, parce que le Prince n’est pas assez connu et que la parole royaliste est rejetée du débat. Elle renvoie le plus souvent à une vision péjorative de l’histoire de France. On répliquera que c’est moins le royalisme qui est en crise que le Politique lui-même. Cette appréciation paraît assez exacte, mais elle sous-estime peut-être la crise : l’autonomisme et l’atomisation démocratiques peuvent en effet se contenter de cette situation, rejeter monarchie et république du côté de l’archaïsme, parce qu’elles sont liées à une certaine organicité de la collectivité humaine. D’autre part, le déclin du républicanisme ne coïncide pas nécessairement avec une remontée des possibilités royalistes : ce serait faire fi de cent cinquante ans de tradition républicaine, qui imprègnent les catégories généralement en vigueur. Ces positions sont enfin malmenées par l’insignifiance du monde moderne.
Une vérité théorique
En 1989, Roland Mousnier rappelait devant une assistance que les principales conditions étaient réunies pour que la France retrouve une monarchie : une famille princière et un peuple. La philosophie (ou la théologie), l’histoire et la littérature possèdent toutes les armes nécessaires pour défendre la légitimité d’un gouvernement monarchique : de Platon à Saint-Thomas d’Aquin, de Bodin à Montesquieu, de Bonald et Maistre à Maritain, de Maurras à Bernanos, de Jacques Bainville à Boutang, les royalistes trouvent à leur disposition de formidables trésors intellectuels, qui tous apportent une certaine justification à la monarchie et à la fidélité personnelle qu’un Français peut entretenir avec son Prince. Monarchie constitutionnelle, parlementaire, démocratique, républicaine, toutes les combinaisons peuvent être envisagées grâce à l’effort conjugué de la pensée politique et du droit constitutionnel. L’avenir théorique est infiniment ouvert.
Mais l’enracinement dans la philosophie politique paraît d’autant plus marginal à l’heure du tout économique et financier. Il n’est nullement prouvé que la France ait un intérêt économique et social à redevenir une monarchie, ou qu’un roi ferait mieux qu’un gouvernement pour lutter contre la dette publique. Les puristes pourront dire : « tant mieux ». Mais les autres, qu’anime encore un esprit politique, pourront faire ce constat : les royalistes étant attachés à la forme du régime plutôt qu’à la forme de la société, n’ont rien de spécifique à avancer, dans leur argumentation, en matière économique. Ils ne possèdent pas les armes nécessaires pour proposer des formules sociales – étant, historiquement, attachés à des coutumes et à des pratiques vivantes plutôt qu’à des innovations. Le corporatisme n’est pas forcément une solution totalement dépassée, mais il ne peut sûrement pas constituer un modèle généralisé, ni étatique ; les royalistes sont malheureusement passés à côté des idées sociales du gaullisme ; la critique du libéralisme ne se conçoit pas de manière convaincante sans proposition d’un contre-modèle. Sur ce terrain, les royalistes sont contraints d’emprunter leur vocabulaire et leurs arguments tantôt aux libéraux, tantôt aux socialistes. En 1948, Pierre Boutang avait produit un ouvrage de philosophie politique majeur, et très neuf : La politique considérée comme souci. Il me paraît extrêmement significatif qu’il n’ait jamais écrit le second volet qu’il avait pourtant projeté : une théorie critique de l’économie moderne.
À vrai dire, jamais le royalisme n’a ressemblé autant – soit à du folklore, soit à de l’héroïsme. Le grand risque qu’il encourt aujourd’hui, pour toutes les raisons que nous avons vues, c’est de n’être qu’une vérité théorique. Une vérité démontrable, rationnelle ou mystique selon les tempéraments, mais participant intimement du retrait du politique. Une vérité éventuellement confortable et consolatrice, possédant en elle la virtualité de son accomplissement dans la réalité concrète, mais dépourvue de bras. Cette vérité risque de périr au sein même de sa théorie, par défaut d’incarnation. Le « roi » demeure une vérité bonne si l’on veut, mais le maillage politique du royalisme se rétrécit à mesure que les royalistes s’enferment dans le ciel des idées.


Antoine Clapas

Commentaires

  • Là où un roi, même sans pouvoir, règne, le symbole est garant. La réversibilité des républiques est douteuse... mais là où un roi règne il ne faut pas y toucher. Plutôt un Symbole soi-disant sans force...(!) plutôt que la faiblesse absurde des pouvoirs chaotiques des républiques bananières...

  • Par ailleurs, le royalisme qui s'est crispé sur des positions réactionnaires et souvent antisémites a pâti de cette stupidité alors que les royautés luthériennes plus, voire très, tolérantes, ont su rester un symbole d'unité puissante intégrant alors des "halogènes" soi-disant inassimilables voire dits "Hostiles"(?)...(Quels meilleurs serviteurs que les Juifs de Cour et autres Purveyors of her Majesty, approvisionnant sans failles les armées et les projets économiques des royaumes où ils étaient considérés comme étrangers?
    Maurras, ou le Bernanos des débuts...Antisémites virulents et pathologiques,sans parler de maints autres qui le furent tout du long (!)ont fait un tort fatal à la cause royaliste.
    Aujourd'hui, les "De- quelque chose" d'anciennes familles royalistes bien sûr, pullulent dans "La Finance", autrefois abhorrée et considérée comme digne des seuls "parias" juifs.
    Ils rétablissent ainsi leurs fortunes déclinantes et obsolètes, leurs châteaux en ruine, et une Tradition qui en vaut la peine dès lors qu'elle garde la Distinction et le Courage et abandonne la misérable jalousie et le mépris de dépit qui la caractérisait...

  • Voilà des mots qui sonnent étrangement sur un site royaliste, et qui sonnent bien. J'ai tellement rencontré de royalistes crispés sur une rhétorique et une liturgie, qu'ils soient royalistes de tradition ou intellectuels, un royalisme qui a la forme de ces sphères utopiques de Boulle mais parées comme un retable gothique. C'est souvent décevant, car comme le dit l'auteur de ce texte, le royaliste est plus souvent attaché à la forme du régime qu'à la forme de la société.

    Le fantasme royaliste est aux jeunes gens de bonne famille ce que la révolution est aux fils d'ouvriers et de petits fonctionnaires, c'est un rêve familier, et une pensée alternative qui structure l'individu, et un groupe autour de rites et de symboles, le vieux rêve balzacien du cénacle, les Treize gargarisés de rhétorique religieuse et combative, animés du sentiment du Prince dans le cocon confortable et rassurant de l'entre-soi.

    C'est le plat servi tout chaud à une certaine jeunesse, étayée qu'elle est déjà par les institutions de l'Eglise et de la Tradition. C'est le vieux ciment habituel: l'Armée, l'Eglise, le Roi, ajoutez des idées mais pas trop ca donnera Maurras, le romantisme et voilà Barrès, et la clairvoyance un jour peut être pour les plus chanceux, nous voilà dans le jardin de Bernanos.

    Pour cette jeunesse, il s'agit donc bien à la fois d'une pensée de classe, et d'une pensée alternative, alternative au matérialisme détestable (le sentiment! la religion!), à l'hyperprésent (l'Histoire! surtour de Hughes à nos jours), la contamination urbaine et technologique (la Terre!), le relativisme et le melting pot (l'Identité, la Tradition! les Valeurs!).

    Derrière cette pensée de classe, cette pensée alternative, il y a une forme d'irrédentisme aristocratique assez traditionnel, la difficile conciliation entre, d'ûn côté la vassalité de l'homme-lige pétri de fidélité et de code d'honneur, et de l'autre la passion de l'individu. Tension entre le serviteur, le Comte investi d'une mission par le Prince et le Baron insubordonné chef de bande passionné d'indépendance. C'est un poncif: la centralisation capétienne, puis valoisienne, l'absolutisme bourbonnien, tout cela a étouffé maintes baronnies locales, il a fallu mettre aux pas les bouillants chevaliers de Crécy, on a eu recours aux fidèles et cupides bourgeois, les managers du royaumes. Il m'a toujours semblé étonnant dès lors qu'une certaine aristocratie se reconnaisse dans le Roi, dans le Lys, dans le légitimisme qui pis est, plutôt que dans le "de sable à une fasce d'or" des vieilles mottes castrales. C'est d'autant plus incompréhensible chez certains aristocrates bretons, par exemple.

    Mais finalement, le paradoxe est bien là. Ce "royalisme" anime une classe finalement dévote de l'institution, prompte à défendre toutes les analogies de son histoire, de son identité, de sa terre, de sa nation. La République contre les Juifs, la République contre le communautarisme, la laicité contre l'islam, la france contre l'Allemagne, l'Europe contre la Chine, la Terre contre les martiens. Avec un esprit de pétrification peu commun, la République et ses symboles sont ajoutés au patrimoine. Quel honneur que d'arborer le sabre et le casoar! Et comme le dit le commentaire précédent, l'agiotage, la finance maintenant qu'elle est hébergée sous les ors des vieux palais, est honorable. C'est le problème de la droite en général: assimiler tardivement ce qu'elle a tout d'abord rejetée pour le défendre hardiment ensuite, et il y a des montagnes d'exemple.

    Le royalisme est-il un projet? N'est ce pas plutôt un sentiment. Les uns confondent l'histoire de leur famille et leur identité avec un régime (la réduction identitaire est caractéristique de cette classe), culte qui les ancre dans le temps, distinction insurmontable à l'époque du nivellement tous azimuts. Les autres jouent aux Cadoudal en s'assimilant à la noblesse d'une cause, avec snobisme parfois.
    Et la plupart s'en moque éperdûment. Le royalisme c'est un ruban de plus à la boutonnière. La vieille maison, c'est une allégeance lointaine et peu exigeante, dans un monde désenchanté.

    Pour preuve, on en veut la quasi absence dans le courant royaliste de pensée de la société, c'est dommage, et les troupes recourent souvent en un patchwork déboussolant à la rhétorique libertarienne, césaro-populiste, sociale-chrétienne, voire sarkozyste de nos jours.

    Tout cela fait du royalisme une sorte de sentimentalisme politique, de royalisme de scout, au mieux un romantisme de droite.

  • Sidoine, votre texte est en tous points remarquable. Idées, style, pertinence, voire impertinence.
    J'ajouterais cependant, en prenant le Cas Habsbourg, débattu avec des amis Allemands Autrichiens et Français à un dîner de la semaine dernière encore.
    Ma position est celle d'un Juif Galicien écrivain mort à Paris, de trop boire pour oublier,Joseph Roth, et dont le cercueil fut suivi par deux amis dont l'un, se nommait:
    Otto von Habsburg-Lothringen.
    Fils du regretté Charles II qui aurait justement, contre les Alliés fanatiques de la République, pu représenter en 1918, ce puissant symbole unificateur et capable, malgré toutes les crises économiques (qui ont eu bon dos pour rendre compte du nazisme et de l'Anschluss!)de maintenir l'Autriche moralement solide et fonctionnellement efficiente, voire de confédérer les Nations de l'Empire où il n'était besoin d'aucun Passeport pour aller de Zagreb à Przemyzl, par une Monarchie peut-être "dégradée", selon nos "réactionnaires du ressentiment", mais EFFICACE à plusieurs niveaux essentiels et, Slavo-Celte majoritairement, n'aurait alors pas été submergée par un pangermanisme raciste débile. Débilité qu'elle traîne encore et dont les arrières-petit-enfants commencent tout doucement à la sortir bien difficilement.
    L'Europe, déjà "inventée" voici des siècles par les Lettrés voyageants (Erasme!)les "Juifs cosmopolites" et l'Empire Austro-Hongrois, a dû attendre la "leçon aux imbéciles" de 1937-1945 + le Stalinisme...pour sortir des limbes de leurs esprits embués.
    Un Otto de Habsbourg, Roi-Empereur d'Autriche Hongrie, n'aurait alors pas eu sa tête mise à prix par la Gestapo... et dû fuir ses sbires, comme un "malpropre", à Paris, rejoindre son ami Joseph Roth,le Juif de Brody (Bukovina: les "Confins" chers à leurs littérateurs intelligents,de toutes origines et obédiences comme un Gregor Von Rezzori)...)
    Il n'y aurait pas eu l'Austro-Fascisme des "Spiesser" petit-bourgeois de la Droite Catholique-archaïque de Dolfuss et des semi-Intellectuels de la Rasse...
    Il ne s'agit ici pas de romantisme ou d'attachement sentimental niais à des traditions souvent fort niaises aussi; mais d'une Rationalité sans parti-pris et fondée sur une Histoire qui pouvait, ALORS déjà être Autre.
    Mais 80% sont des crétins-cinglés et 20% savent être normaux et penser juste; ceux là ne convainquent que quand tout va pour le mieux. En phase de crise, la majorité cinglé et les pervers prennent le pouvoir!

  • Voilà des mots qui sonnent étrangement sur un site royaliste, et qui sonnent bien. J'ai tellement rencontré de royalistes crispés sur une rhétorique et une liturgie, qu'ils soient royalistes de tradition ou intellectuels, un royalisme qui a la forme de ces sphères utopiques de Boulle mais parées comme un retable gothique. C'est souvent décevant, car comme le dit l'auteur de ce texte, le royaliste est plus souvent attaché à la forme du régime qu'à la forme de la société.

    Le fantasme royaliste est aux jeunes gens de bonne famille ce que la révolution est aux fils d'ouvriers et de petits fonctionnaires, c'est un rêve familier, et une pensée alternative qui structure l'individu, et un groupe autour de rites et de symboles, le vieux rêve balzacien du cénacle, les Treize gargarisés de rhétorique religieuse et combative, animés du sentiment du Prince dans le cocon confortable et rassurant de l'entre-soi.

    C'est le plat servi tout chaud à une certaine jeunesse, étayée qu'elle est déjà par les institutions de l'Eglise et de la Tradition. C'est le vieux ciment habituel: l'Armée, l'Eglise, le Roi, ajoutez des idées mais pas trop ca donnera Maurras, le romantisme et voilà Barrès, et la clairvoyance un jour peut être pour les plus chanceux, nous voilà dans le jardin de Bernanos.

    Pour cette jeunesse, il s'agit donc bien à la fois d'une pensée de classe, et d'une pensée alternative, alternative au matérialisme détestable (le sentiment! la religion!), à l'hyperprésent (l'Histoire! surtour de Hughes à nos jours), la contamination urbaine et technologique (la Terre!), le relativisme et le melting pot (l'Identité, la Tradition! les Valeurs!).

    Derrière cette pensée de classe, cette pensée alternative, il y a une forme d'irrédentisme aristocratique assez traditionnel, la difficile conciliation entre, d'ûn côté la vassalité de l'homme-lige pétri de fidélité et de code d'honneur, et de l'autre la passion de l'individu. Tension entre le serviteur, le Comte investi d'une mission par le Prince et le Baron insubordonné chef de bande passionné d'indépendance. C'est un poncif: la centralisation capétienne, puis valoisienne, l'absolutisme bourbonnien, tout cela a étouffé maintes baronnies locales, il a fallu mettre aux pas les bouillants chevaliers de Crécy, on a eu recours aux fidèles et cupides bourgeois, les managers du royaumes. Il m'a toujours semblé étonnant dès lors qu'une certaine aristocratie se reconnaisse dans le Roi, dans le Lys, dans le légitimisme qui pis est, plutôt que dans le "de sable à une fasce d'or" des vieilles mottes castrales. C'est d'autant plus incompréhensible chez certains aristocrates bretons, par exemple.

    Mais finalement, le paradoxe est bien là. Ce "royalisme" anime une classe finalement dévote de l'institution, prompte à défendre toutes les analogies de son histoire, de son identité, de sa terre, de sa nation. La République contre les Juifs, la République contre le communautarisme, la laicité contre l'islam, la france contre l'Allemagne, l'Europe contre la Chine, la Terre contre les martiens. Avec un esprit de pétrification peu commun, la République et ses symboles sont ajoutés au patrimoine. Quel honneur que d'arborer le sabre et le casoar! Et comme le dit le commentaire précédent, l'agiotage, la finance maintenant qu'elle est hébergée sous les ors des vieux palais, est honorable. C'est le problème de la droite en général: assimiler tardivement ce qu'elle a tout d'abord rejetée pour le défendre hardiment ensuite, et il y a des montagnes d'exemple.

    Le royalisme est-il un projet? N'est ce pas plutôt un sentiment. Les uns confondent l'histoire de leur famille et leur identité avec un régime (la réduction identitaire est caractéristique de cette classe), culte qui les ancre dans le temps, distinction insurmontable à l'époque du nivellement tous azimuts. Les autres jouent aux Cadoudal en s'assimilant à la noblesse d'une cause, avec snobisme parfois.
    Et la plupart s'en moque éperdûment. Le royalisme c'est un ruban de plus à la boutonnière. La vieille maison, c'est une allégeance lointaine et peu exigeante, dans un monde désenchanté.

    Pour preuve, on en veut la quasi absence dans le courant royaliste de pensée de la société, c'est dommage, et les troupes recourent souvent en un patchwork déboussolant à la rhétorique libertarienne, césaro-populiste, sociale-chrétienne, voire sarkozyste de nos jours.

    Tout cela fait du royalisme une sorte de sentimentalisme politique, de royalisme de scout, au mieux un romantisme de droite.

  • lu dans Gomez Davila:
    "La droite d'aujourd'hui n'est que la gauche d'hier. Qui digère..."

  • - Suite à votre article dans le n°27 de la revue : pourquoi les monarchistes (comme les communistes) ne peuvent-ils pas se présenter aux élections très utiles, les élections municipales ? On ne demande pas à un candidat communiste, quand est-ce qu'il réalisera la société communiste ? Des élus locaux monarchistes - des monarchistes du centre ou centristes par exemple et pourquoi pas -, montreraient à l'opinion publique la vitalité du principe monarchique ? Des élus qui ne se réclameraient pas d'un parti royaliste. Car à l'échelon local, ce n'est pas nécessaire ; élus qui pourraient s'allier ou figurer sur d'autres listes (en attendant des listes monarchiques élues) mais avec bien en évidence (UMP monarchiste comme les UMP gaullistes) la position monarchique sinon à quoi bon... En même temps, une carrière politique (risquons les mots) serait possible pour les militants motivés. Le militantisme actuel est réservé aux seuls intellectuels sachant écrire ou aux adolescents prolongés.
    P.S. : Je souhaite avoir été suffisament clair avec cette idée de participation à la vie politique des roycos. J'attends la contradiction...

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