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N°12 - Editorial "Le pastiche"

Le vieux Sorel a dû se retourner dans sa tombe pour rire un bon coup : car voilà que la gauche molle, en la personne de Dominique Strauss-Kahn, s’approprie la notion de mythe qu’il avait inventée il y a un siècle, dans ses Réflexions sur la violence. Le texte de Strauss-Kahn s’intitule plus sobrement Construire l'Europe politique. Cinquante propositions pour l’Europe de demain. Pour autant, l’emprunt n’est pas contestable : l’Union européenne, écrit Strauss-Kahn au commanditaire de l’étude, le président de la Commission, (qu’il appelle familièrement « Cher Romano »), l’Union, donc, « traverse une triple crise. Ses institutions ne fonctionnent pas bien […], son projet est en panne, […] son territoire est incertain ». Alors, comment relancer la machine – puisqu’il est entendu qu’il faut aller de l’avant, rester optimiste, et que, comme on dit, cette crise est surtout une crise de croissance ? Eh bien, il faut imaginer un mythe qui lui permettra de rebondir. « L’Europe, déclare Strauss-Kahn, s’est construite à travers des “mythes” mobilisateurs, dont le dernier a été l’euro ; quel doit être le prochain mythe européen ? »
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On n’épiloguera pas sur la réponse : pour Strauss-Kahn, ce mythe doit être la construction d’une « Europe politique », d’un gigantesque état fédéral, « res publica européenne » sans commune mesure avec le projet de constitution établi par Giscard, puisqu’elle implique entre autres l’intégration de l’Afrique du Nord et de la Turquie, mais aussi la fabrication d’un peuple européen : « il faut maintenant faire des Européens ». Les Épées y reviendront plus longuement dans le prochain numéro.

En attendant, on peut revenir à Sorel, et rappeler que ce qui caractérise le “mythe”, c’est qu’il sacrifie la vérité à l’efficacité : peu importe l’énormité du bobard, s’il parvient à mobiliser les masses et à faire avancer l’Histoire. Celui-ci sera-t-il assez gros pour mener les peuples à l’abattoir ? Sur ce point, le rapport Strauss-Kahn renvoie opportunément aux deux dossiers de ce douzième numéro des Épées : le vote, admirable machine à duper ceux dont il consacre prétendument la souveraineté ; et le pastiche, puisque cette Europe-là a tout de même un petit air de déjà vu, sauf qu’elle avait à l’époque un fort accent allemand…

 

Les Épées

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