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  • N°11 - Un nouveau conservatisme

    Par Norbert Kanchelkis

    Nombreux sont les conservateurs qui s'ignorent. Robert Nisbet nous apprend à les débusquer.

    Il serait exagéré de dire que l’événement a fait l’effet d’une bombe. À sa parution en 1986, Conservatism, Dream and Reality n’a guère suscité l’émoi que de quelques revues américaines spécialisées dans l’histoire des idées. Ce petit livre de Robert Nisbet n’en a pas moins apporté une touche finale à ce qui reste l’une des constructions idéologiques les plus originales des cinquante dernières années : la tentative de donner à la pensée conservatrice la rigueur et la cohérence d’un corps de doctrine unifiée. Jusque là en effet le conservatisme n’avait pas bonne presse. Assimilé - le plus souvent à juste titre - à une vulgaire défense du statu quo, il désignait davantage une disposition psychologique qu’un projet politique au sens fort du terme. Être conservateur c’était refuser le changement, prôner l’attentisme, préférer l’injustice au tumulte de la rue : une position initialement réactionnaire mais qui avait fini avec le temps par faire de ses adeptes d’insupportables centristes dévoués à la sauvegarde frileuse da la culture bourgeoise, de la démocratie parlementaire et de la propriété privée. Nisbet refusait pour sa part catégoriquement cette définition. S’il ne faisait pas forcément preuve de plus d’indulgence pour les conservateurs de son temps, il entendait bien réhabiliter la pertinence et la vitalité d’une famille de pensée dont il soulignait à juste titre qu’elle avait produit en deux siècles quelques uns des analystes les plus lucides de la modernité : une cohorte serrée de philosophes et d’essayistes, de théologiens et d’hommes d’État qui s’accordaient, par delà la diversité de leurs engagements respectifs, sur les grandes lignes d’une vision du monde commune.

    L’héritage de Burke

    Tout était pourtant parti d’un seul homme : « le conservatisme, expliquait Nisbet, n’est devenu une force politique autonome que vers 1830 en Angleterre, mais sa substance philosophique est essentiellement tirée des Réflexions sur la Révolution française d’Edmund Burke ». C’est en effet d’un dialogue incessant avec Burke qu’ont émergé la plupart des expressions ultérieures du Counter-Enlightenment. Bonald et Chateaubriand en France, Coleridge et Southey en Grande-Bretagne, Heller et Savigny en Allemagne, Balmes et Donoso Cortès en Espagne, John Adams et Alexander Hamilton aux États-Unis ont chacun à leur manière revendiqué la filiation.C’est sans doute ce qui explique l’unité du mouvement. Né du rejet par Burke des excès des « deux révolutions » - la révolution française et la révolution industrielle - le conservatisme pouvait selon Nisbet être défini comme une « volonté de sauvegarder l’infrastructure communautaire de l’Occident médiéval contre le processus de décomposition individualiste orchestré à la fin du dix-huitième siècle par les libéraux, puis poursuivi au siècle suivant par les socialistes et les radicaux ». Arc-bouté contre les prétentions délirantes du rationalisme des Lumières, tout autant que contre l’utilitarisme glacial des nouvelles sciences sociales, l’impact corrosif du marché sur le tissu associatif ou la colonisation des esprits par les formules hypnotiques d’un jacobinisme triomphant, il n’avait d’autre objet que de contrecarrer « l’impact sur les corps intermédiaires des nouveaux droits de l’individu et, plus encore, de la toute puissance de l’état révolutionnaire ». L’intérêt de cette typologie tenait à ce qu’elle permettait de dépasser les clivages du moment pour délimiter les contours d’une tradition politique dont la cohérence n’a rien à envier à celle du libéralisme et du socialisme. Était conservateur celui qui pensait que la valeur du groupe dépassait celle de la somme de ses parties ; que l’individu avait d’autres motivations que son « intérêt bien compris » que la propriété familiale était un sanctuaire inviolable ; que l’autorité des élites locales devait l’emporter sur le pouvoir de l’État ; que les préjugés pouvaient être plus fondés que la raison ; que la religion était autre chose qu’un simple principe de moralité. Bref, celui qui considérait la société comme une comunitas communitatis, une « communauté de communautés », qu’aucun volontarisme idéologique n’était habilité à venir défaire. Entre autres qualités, cette vision des choses avait l’avantage de rendre compte en outre d’un des phénomènes les plus paradoxaux qui aient marqué l’histoire des idées contemporaines : l’existence d’un conservatisme de gauche, dont l’apport à la critique de la modernité est loin d’être négligeable. Des libéraux comme Tocqueville, Constant et Lamennais, des socialistes comme Durkheim et Max Weber, des anarchistes comme Proudhon ou le prince Kropotkine ont entrepris, à l’intérieur même de la démarche progressistes un travail de déconstruction des idéaux individualistes qui fait d’eux des compagnons de route à part entière de la cause conservatrice. Un travail assez comparable à celui qu’effectuent aujourd’hui un Michéa ou un Taguieff, un Le Goff ou un Baudrillard.

    Un conservatisme de gauche ?

    Nisbet allait même plus loin et se demandait si ce n’était pas la démarche sociologique dans son ensemble qui procèdait d’une inspiration conservatrice. « Pour le sociologue contemporain, écrivait-il, être considéré comme un conservateur est plus souvent une insulte qu’un compliment (…) Mais ( …) des notions telles que les idées de statut, de communauté (…) de fonction sociale, de norme, de rituel, de symbole sont des idées conservatrices, non seulement parce qu’elles font référence à une dimension permanente et conservatrice de l’ordre social, mais aussi parce qu’elles font partie intégrante du patrimoine intellectuel du conservatisme européen. (…) Le paradoxe de la sociologie (…) est le suivant : bien qu’elle se rattache, de par ses objectifs et de par les valeurs politiques auxquelles elle se réfère, au courant moderniste, ses concepts essentiels et ses présupposés la rendent beaucoup plus proche, de façon générale, du conservatisme philosophique. » Une telle convergence n’était pas selon lui le fruit du hasard. « Saint-Simon et Comte, rappelait-il, ne tarissaient pas d’éloges sur ce que le second appelait l’”école rétrograde” : Comte était d’avis que ce groupe immortel, et de Maistre en tête, mériteraient longtemps la gratitude des positivistes, et Saint-Simon estimait que c’était à Bonald qu’il devait son intérêt pour les périodes “critiques” et “organiques” de l’histoire, ainsi que la première formulation de ses propositions sur la stabilisation de l’industrialisation et de la démocratie. Une génération plus tard, Le Play, dans Les ouvriers européens, ne faisait qu’exprimer en termes scientifiques les idées formulées par Bonald dans son ouvrage polémique sur la famille. Par ailleurs l’influence du conservatisme sur la pensée de Tocqueville est certaine : de là naît le jugement inquiet qu’il portait sur la démocratie. »La pensée sociologique concluait t-il, « oppose ainsi à l’idée de communauté la notion de société (…) qui fait référence aux liens de type impersonnel et contractuel unissant de très nombreux individus (…) Elle oppose au concept d’autorité celui de pouvoir, qui est couramment assimilé à la force politique ou militaire ou encore à la bureaucratie administrative (…). Ce qu’elle oppose au concept de statut ce n’est pas la notion populaire d’égalité, mais le concept de classe, qui (…) recouvre une réalité à la fois plus étroite et plus collective. À l’idée de sacré s’oppose celle d’utilitaire, de profane (…) et de séculier. Enfin la meilleure façon de définir l’aliénation (…) du point de vue sociologique, c’est d’y voir l’inverse du progrès. » Dans chaque cas, sociologues et conservateurs défendaient la même optique, pour des raisons différentes mais en définitive complémentaires. À l’heure du bilan, et au moment où le reflux des grandes idéologies ouvre la voie à toutes les recompositions, ces rapprochements apparemment contre-natures doivent constituer un aiguillon pour les reconstructeurs de tous bords. Certes, il n’y a plus rien à conserver, mais il n’y a plus grand-chose non plus à restaurer. Le salut passe par un effort de réflexion sans précédent, visant à définir les conditions d’une ré-volution intégrale, seule capable de renouer le lien tenu qui nous rattache à notre identité. C’est pourquoi il est primordial de fédérer tout ceux - et ils sont de plus en plus nombreux - que la modernité libérale écœure. Dans cette optique,  notre seul atout est de ne pas partir d’une feuille blanche : l’œuvre colossale de nos aînés conservateurs est là pour nous guider dans la nuit. C’est notre seul viatique. À nous de le faire fructifier.
     
     
    Norbert Kanchelkis
     

  • N°11 - Actualité de Sénèque

    Par Jean-Marie André

    Jean-Marie André est professeur émérite à la Sorbonne, lauréat de l’Académie française. Auteur d’un Sénèque, en collaboration avec P. Aubenque (1964 ;1971), d’une Philosophie de Rome (1974), de nombreux articles sur Sénèque ; le problème de la guerre ; la peine de mort ; les problèmes de la ville ; le “systèmes des beaux-arts” ; la topographie de Rome ; la réflexion sur la technique, etc.

    Il est difficile d’apprécier la modernité, l’actualité de la pensée de Sénèque et de les démarquer de la temporalité, de l’historicité d’une pensée profondément insérée dans l’Empire des “temps claudiens”. Directeur spirituel de l’aristocratie contemporaine, il se livre sur Sérénus, dans De Tranquillitate, à une consultation psychanalytique avant la lettre, mais il prétend aussi, dans ses Dialogues, et dans ses Lettres, « faire le travail de la postérité » et orienter dans les voies de la sagesse libératrice l’humanité éternelle (De breuitate, XIV). Conseiller tout puissant, sinon ministre de Néron entre 54 et 62, il a géré Rome et l’Empire, la paix et la guerre en élargissant sans cesse, jusqu’aux derniers Dialogues, sa réflexion sur la politique, sur l’homme et la cité, sur la légitimité de l’ordre international et la guerre. Mais ce penseur qui privilégie la sagesse sur la science, et même sur l’action, est aussi l’historien des mœurs contemporaines, chez qui la chronique est inséparable d’un regard critique : il sera fécond de démêler, dans la “philosophie morale”, l’analyse sociologique d’une époque et les données permanentes d’une anthropologie critique. Une analyse sans complaisance amènera tous ceux qui relisent Sénèque à se demander ce qui, dans ces leçons d’un maître spirituel, dépasse le lieu commun d’école et les « amplifications » de la rhétorique moralisante. Enfin le sage engagé dans la politique et dans l’histoire est aussi passé à la  postérité comme un des grands encyclopédistes de son temps, après Vitruve et avant Pline l’ancien : ses Questions naturelles, contemporaines des derniers Dialogues et des Lettres à Lucilius, sont une somme critique de la science gréco-romaine, présente par ailleurs dans les digressions des œuvres morales ; l’œuvre illustre une curiosité universelle que le De Otio, V, et les préfaces des Questions naturelles, entre autres, exaltent comme la vocation de l’« animal rationnel ».Homme d’une vie large et variée, qui, comme celle de Cicéron, se dénoue dans la mort violente, le suicide imposé, Sénèque, avec ses multiples facettes, ne pouvait que subir, chez ses contemporains et dans la postérité, une censure de ses « contradictions », et de donner lieu à des interprétations contradictoires. Dans le cadre d’une polémique récurrente, aggravée par le conflit entre la rhétorique et la philosophie, les délateurs, comme Suillius en 57 de notre ère, reprochaient au « philosophe » son goût de l’argent et du luxe, son train de maison dispendieux, ses grands domaines d’outre-mer, bref des compromissions temporelles qui démentent la profession de détachement contemplatif, et l’on ne ménageait guère le turannou didaskalos, le précepteur du tyran Néron. Diderot, dans son Essai sur les règnes de Claude et de Néron, a plaidé pour la sincérité du philosophe engagé - Dion Cassius, après Tacite, ayant étoffé complaisamment le réquisitoire. Sénèque s’est justifié en dégageant, pour les contemporains et pour la postérité, la distance entre la philosophie, profession de foi en faveur des valeurs de sagesse, et la vraie sagesse : par les étapes de la conscience et de l’ascèse, elle gravit la voie ardue qui mène de la sapientia inchoata à la sapientia perfecta ; les Lettres expliciteront cette doctrine modeste du progrès moral, après le De uita beata, XVII. Du même coup se trouve réfuté l’autre grief majeur articulé contre Sénèque, mal distingué de son école, le Portique : le logicisme, stérile et inhumain, qui nie la nature, la condition humaine et la nature humaine. On reprochait aux Stoïciens de refuser les sentiments humains, qu’ils se contentent de séparer de la « passion », aliénante et destructrice, de vaincre la crainte de la mort et l’angoisse métaphysique à coup de formules abstraites et de syllogismes (la mort n’est pas un vice ; il n’y a de mal que le vice ; donc la mort n’est pas un mal). Or notre philosophe, avant le « logicien » d’Ionesco, a démystifié le logicisme creux, qui fait de la philosophie, « l’auberge de l’oisiveté intellectuelle ». Le dogmatisme que lui reproche Montaigne, en le confondant avec les excès de son école, qui le ferait « ahaner » pour surmonter la crainte de la mort, cultiver « les pointes élevées de la philosophie », est réfutée par une réflexion personnelle originale : l’auteur s’est défendu de pratiquer une orthodoxie servile, et sans renier les « grands principes » du portique, ses « paradoxes », ses « décrets » qui fondent un nouvel ordre de valeurs, il a revendiqué la liberté d’examen ; convaincu, comme Montaigne, que « la condition humaine est merveilleusement corporelle », il a entendu réaliser dans la vie quotidienne et dans la vie sociale des « préceptes » de sagesse et de vertu qui procèdent des « décrets » éternels. Nos contemporains peuvent demander à Sénèque de les réconcilier, par-delà le verbiage des philosophes à la mode, avec l’exigence de probité intellectuelle et la lucidité morale.Or cet apport positif de la sagesse, qui circonscrit son humanité sans renier sa filiation divine (Lettre XCIV, 42), ne doit pas éclipser une dialectique féconde de la critique : elle procède d’une critique des aberrations morales de l’humanité, des déviations politiques également, et elle fonde sur cette critique, éternellement actuelle, une sagesse individuelle et collective dont le message n’est pas épuisé.

    Contradictions

    En politique, Sénèque, semble l’homme des contradictions vécues sans trouble. Il a justifié l’Empire mondial de Rome, mais dénoncé dans ses Lettres la mégalomanie des conquérants, Alexandre, Pompée et même César : le dernier recueil a des accents “pacifistes”. Or, la guerre est à ses yeux justifiées pour garantir contre les barbares d’outre-Rhin et d’outre-Danube une « paix romaine » qui est un ordre civilisateur. L’impérialisme peut n’avoir pour fin que le pillage et la violence, mais la promotion juridique vers la ciuitas de nations disparates, ou tout au moins de leurs élites romanisées. Il n’eut pas approuvé la “décolonisation” des Goths et des Vandales. Il a pu, sans contradiction, se réjouir de la clémence philanthropique du Néron débutant, refusant de ratifier les condamnations à mort, et justifier, dans toute son œuvre, un usage désabusé et limité de la peine de mort : il sait, comme les penseurs les plus spirituels de l’antiquité, qu’il est de scélérats irrécupérables, dont la survie condamne les futures victimes ; tout au plus a-t-il totalement récusé le spectacle de la peine capitales, école de cruauté pour le peuple.

    Le meilleur régime

    Sénèque, fils d’un rhéteur républicain, a accepté comme irréversible la chute de la République, incapable de gérer un immense empire, perdue par les factions oligarchiques et les passions populaires. Comme ceux de l’École, et à grand renfort de métaphores animales (la ruche ; la fourmilière ; la royauté du lion), ou anthropologiques (l’hégémonie de la raison), il a considéré la monarchie comme le meilleur régime : comme la prépondérance politique du meilleur principe, celui d’un pouvoir centralisateur éclairé et philanthropique, dont la vocation est le bonheur du peuple et des nations. Mais il a censuré l’abjecte terreur de Caligula, fui la cour corrompue et la tyrannie naissante de Néron. Sensible aux déviations de la succession dynastique (Caligula ; Arrhidée), il eut sans doute approuvé le grand discours programme de Galba (Tacite, Histoires, I) préconisant un principat électif. Les monarchies médiévales oscilleront entre l’élection et le privilège dynastique.C’est comme critique de la vie sociale et économique de son temps que Sénèque dépasse son temps. Admirateur de la raison et de ses conquêtes technologiques, il a relevé l’ambiguité du progrès matériel, le passage du confort matériel au luxe  dispendieux et dissolvant, à la luxuria qui a pour passion nourricière l’auaritia (confiscations ; pillage de la planète). Mégalomanie édilitaire qui génère une technique « contre nature », avec ses vergers de terrasse, ses môles empiétant sur la mer. Déviations de l’hydraulique au service des palais, de l’optique qui détourne les miroirs à des fins érotiques. Gastronomie ruineuse qui recherche les poissons et les volatiles rares, qui multiplie anarchiquement les « services » des repas. Raffinements de la mode qui impose des boissons rafraîchies (l’« eau de neige »), l’importation du garum hispanique, « caviar de mauvais poissons »… Le luxe « contre nature » nie les saisons en produisant en hiver la rose de serre et les fruits d’été. Nulle part la verve critique du  sage, nourrie d’images précises de la civilisation, ne s’exerce avec plus de bonheur que pour censurer la mode, son mimétisme, son “snobisme” (iuiere ad exempla). L’admiration bête des champions d’athlétisme suscite l’émulation des amateurs : ce Calvisius Sabinus (Lettre XXVII) qui, gringalet, se surmène à l’entraînement - tout comme les sportifs des thermes jaloux de performances (Lettre LVI). Le snobisme des villégiatures campaniennes et de Baïes - le Saint-Tropez de la Rome classique - inspire à Sénèque maints sarcasmes. Même le voyage, réhabilité parfois comme noble curiosité, a ses modes ; les delicati, les “snobs” de l’époque, cherchent parfois les déserts (De tranquillitate). Même l’aspiration ascétique à la “frugalité” temporaire n’est pas exempte d’affectation mondaine. La grande leçon de l’histoire de la civilisation, systématisée dans les lettres LXXXVIII et suivantes, apporte un bilan contrasté : conquête de la raison mécanicienne, la technique peut constituer le palliatif de la décadence, biologique et morale ; la médecine et la pharmaceutique contemporaines, inutiles à l’humanité primitive, forte et saine, ou limité à quelques plantes, traitent des maladies “nouvelles” qui sont souvent des maladies paradigmatiques de l’intempérance et de la goinfrerie.S’il fallait résumer l’apport de Sénèque à la réflexion moderne, on pourrait certes y discerner une dimension naturiste et écologique : la protestation contre les excès contre-nature, nourris par un imaginaire malsain. Mais cette idéologie ne saurait se comprendre sans une anthropologie critique, ambivalente : elle conjugue une vision pessimiste des « misères de l’homme » et un rêve de progrès « communautaire » qui implique le progrès de l’humanité en l’Homme, l’avènement d’un homme « vraiment humain » que le philosophe cherche vainement.

     
    Jean-Marie André