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N°28 - A dimanche...

Par Alain Raison


repas_dimanche.jpgToutes les semaines, on avait un jour de maquis collectif contre la servitude volontaire, une pleine journée d’oisiveté forcée. Et voilà qu’il faut travailler plus pour gagner plus. Non mais vraiment, on a la droite la plus bête du monde ?

Travailler plus pour gagner plus. Pourquoi pas ? Par un amendement à la loi Chatel, le Sénat autorisait l’ouverture le dimanche des magasins d’ameublement. Il était précisé que seuls les volontaires travailleraient ce jour-là, oscillant entre le vœux pieux et l’ignorance béate des conditions de travail dans la grande distribution. Le gouvernement souhaitant assouplir les conditions d’ouverture le dimanche n’a pas cillé. S’en suit toute une polémique qu’il serait vain de retracer. Un seul point est à retenir. C’est que dans la déferlante d’arguments et de contre arguments dominait l’économie : le travail le dimanche supprime des emplois, non il en crée ; il va augmenter la consommation, non si les revenus n’augmentent pas, etc. Qu’importe ! Oui qu’importe pour une fois la croissance, le chômage et le pouvoir d’achat ! Nous sommes là en plein économisme. Les politiques ne croient-ils plus à la politique ? À des choix de société qui échappent à la seule rationalité du marché ? Un choix de société ! Diable qu’est ce que c’est que cette usine à gaz ? C’est le dimanche. Tout simplement. Car ce qui fait la valeur du dimanche c’est qu’il est partagé : c’est une journée commune qui façonne la communauté des Français.

Vive les nappes à carreaux !


Imaginons seulement que la journée chômée dépende du libre choix de chacun. Comment fixer une réunion de famille, une promenade aux bois entre amis, une visite de Musée (gratuit le premier dimanche du mois), une partie de pêche ou une partie de chasse, une partie de fesse ou une partie d’échasse ? Bref tous ces rebuts de la vie économique sans lesquels la vie serait froide et la solitude totale. Bien sûr il y a la télé pour remédier à ça (1). Mais franchement… Laissons les autres jours aux individus, à leur carrière, à leur plan épargne logement et aux machines à café et laissons le dimanche à la France. C’est-à-dire à cette grande famille française qui elle aussi a besoin de nappes à carreaux, de méchouis, de promenade sur les quais et de vide grenier, de messe et de grand prix de formule 1. Le dimanche, c’est cette agitation tranquille d’êtres libérés par l’oisiveté. La liberté de se laisser aller à ces joies simples de la communauté qu’exprimaient si bien les rondes païennes autour des feux. Il y a là une aspiration profonde. Notre âme serait plus triste si les parcs n’étaient pas bondés le dimanche. La joie des terrasses, c’est le soleil, mais c’est aussi le plaisir de regarder passer les promeneurs du dimanche, l’allure décontractée. – « Salut, à dimanche… », qu’il est beau ce rendez-vous des peuples. Ne permettons pas qu’aux divorcés géographiques s’ajoute une nouvelle catégorie de divorcés de jours de repos. Ne permettons pas qu’à la société française se substitue une foule anonyme d’individus atomisés par le marché et le diktat de ses besoins.

Le règne de Mammon

Car en définitive il ne s’agit que de ça. La morale sarkozyste du « travailler plus » pour « gagner plus » exclut, avec son laconique tranchant, qu’il puisse y avoir d’autres besoins que travailler plus pour créer une main d’œuvre compétitive et gagner plus pour dépenser plus et relancer la croissance. Voilà Mammon à visage découvert : un strict nivellement des aspirations humaines à l’input et l’output : la satisfaction des désirs créés par les stimulis des marchands. Qu’elle est loin la longue procession de tous les jours chômés du Moyen âge, où les chevaliers devaient cesser la guerre et les paysans cesser la récolte. Dare dare, là, comme ça, en posant l’épée ou l’outil, finit ou pas finit. Irrationalité totale qui signifiait mieux que toute la reconnaissance de la valeur ultime de l’au-delà de la raison. En voilà un choix de société ! Rappeler par des fêtes que la société a un au-delà qui la nourrit parce qu’elle y renouvelle son sens de la justice et de l’amitié. Que sans cela, elle ne serait qu’une fragile agrégation de personnes rongée par les égoïsmes.
Mais revenons à Mammon. Contre le dimanche, il est forcément dans le coup. Car ce qui fait justement la valeur du dimanche, c’est que c’est le seul jour sur sept dans une semaine à permettre éventuellement de n’être pas arraisonné par les vitrines clignotantes et la nécessité de « faire des courses ». Cela suffit-il ? Je voudrais dire oui. Car le « repos » ne justifie pas le dimanche. Pas besoin que les magasins soient fermés pour se reposer. En revanche, si les magasins n’étaient pas fermés, on perdrait beaucoup plus de temps à ne pas perdre son temps comme un dimanche. Le perdre, oui, le perdre ce temps comme un dimanche oisif. Un chrétien sait bien que se perdre c’est se donner, accepter que tout dans sa vie ne dépende pas que de soi et de l’image étroite qu’on a forcément de soi et de sa vie, accepter ce qui nous dépasse. Le dimanche est mieux qu’un jour de repos, c’est la fête de ce qui ne s’achète pas. La fête de ce qui ne sera jamais à vendre. La fête de ce qui n’a pas de prix. La fête de ce qui est essentiel dans nos vies. Le dimanche chômé c’est l’institution sociale d’une grande vérité : « travailler plus » et « gagner plus » ne sont pas des absolus car il est possible de « travailler moins » pour « gagner mieux ». La vérité est supérieure à l’utilité. Et puisque que les magasins d’ameublement sont pleins de bois, faisons les brûler et formons une ronde. Proclamons le dimanche, saint jour de potlatch !


Alain Raison



1 « La télé, c’est notre compagne de tous les jours, notre antidote à la solitude. Je suis un enfant de la télé. » Nicolas Sarkozy, discours au personnel de France télévision, 19 février 2008, cité par Le Canard enchaîné du mercredi 27 février.



Signer la pétition
L’étourdissement et l’oubli de soit de la société du « gagner plus pour consommer plus » continue de limiter l’homme à son portefeuille, dans une perspective sans fin d’une croissance enfin relancée, eldorado unique d’une classe politique sans projet et sans perspective. La liberté de consommer est une aberration inventée par le libéralisme que la CFTC dénonce brillamment.
Elle a ainsi lancé une pétition nationale pour défendre le dimanche, « Celui de la France des bénévoles, des balades en forêts, des rires en famille, des parties de rugby entre copains, de la diversité des couleurs et des senteurs sur les marchés, du verre de blanc sur le comptoir, des premiers émois au cinéma, des chorales lyriques ou jazzy ».
A signer directement sur le site et à diffuser largement.


http://www.cftc-paris.fr/petition/

 

Commentaires

  • je partage totalement votre analyse ,à l'exception de la phrase sur"la droite la plus bête du monde". C'est faire trop d'honneur aSarkozy, devedjian cope , balkany et aus que de dire qu'ils sont de droite!pourquoi pas catholiques tant que vous y êtes (pardonnez moi la colère m'égare!)la droite a été tuée par DE Gaulle avec l'affaire d'Algérie et sa volonté de traiter les Français cmme des veaux !voilà ce qu'est devenu ce peuple un peuple de veaux ,qui attendent tout de l'état,savent se plaindre ... merci de lutter encore

  • je partage totalement votre analyse ,à l'exception de la phrase sur"la droite la plus bête du monde". C'est faire trop d'honneur aSarkozy, devedjian cope , balkany et aus que de dire qu'ils sont de droite!pourquoi pas catholiques tant que vous y êtes (pardonnez moi la colère m'égare!)la droite a été tuée par DE Gaulle avec l'affaire d'Algérie et sa volonté de traiter les Français cmme des veaux !voilà ce qu'est devenu ce peuple un peuple de veaux ,qui attendent tout de l'état,savent se plaindre ... merci de lutter encore

  • Donc, le dimanche, vous aimez aller dans les bois.
    Moi, je déteste ces dimanches-là, quand tout est fermé, mais je ne veux pas vous empêcher d'aller dans les bois.

    Pourquoi voulez vous m'interdire d'aller faire du shopping le dimanche, au prétexte que vous n'aimez pas ça?

    Et puis, votre vision du monde est matérialistee: Les choses qui font sens, vous leur assigner une place (et une date), vous les cantonner dans des choses bien matérielles (une nappe à carreau, une messe....).
    Ce qui fait sens surgit où, quand et comment Dieu le décide.

    Bien à vous.

  • Ce qui fait sens ce n'est surement pas , pour des raisons qui vous échappent ,d faire sauter encore un nouveau verrou à la ve de famille . C'est vrai que ce qui fait sens surgit ou Dieu le veut , mais même lui s'est reposé le septième jour.Vous n'aimez pas aller dans les bois , moi non plus , mais je suis sur qu'en cherchant bien vous trouveriez quelque chose d'intelligent à faire , par exemple lire et méditer la parole de Dieu .

  • @Lescaves

    Je médite la parole de Dieu quand je veux, et quand il est propice de la faire. Pas lorsque VOUS l'avez décidé. Et puis ce n'est pas non plus à vous de décider ce qui est intelligent ou pas.

    La vraie motivation des adversaires du travail le dimanche. Non pas de méditer la parole de Dieu, non pas privilégier leur vie de famille, mais m'imposer ce que je dois faire, et fixer de façon matérialiste comment et quel jour on accède à la parole du Dieu...Matérialisme et ressentiment, donc...

    Ne le prenez pas mal, aucune agressivité de ma part, juste le fond de ma pensée.

  • Je n'ose imaginer ce que serait devenue ma foi sans un peu de matérialisme derrière -probablement une chose triste comme un square de petite ville le lundi après-midi.

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