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Chr.Heb. (1) - La mélée à l'ouverture

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La mélée à l'ouverture

Le Président de la République a décidé d'ouvrir son gouvernement à l'opposition. On savait déjà que la droite auparavant se faisait élir par des électeurs de droite puis gouvernait à gauche. Dorénavant elle se fait élir sur un programme de droite par des gens de droite et donne un quart des ministères à des personnalités de gauche. Il va être intéressant maintenant de voir quelle sera la teneur des mesures (voire des réformes...) qui seront adoptées par le pouvoir en place. N'oublions pas que M. Sarkozy a été élu sur un programme de rupture qui remettait les valeurs traditionnelles en avant. Nous verrons bien si "mai 68 c'est fini".

Le temps est maintenant au travail, les incantations et les grandes phrases à la tribune ne seront plus d'aucune utilité. Six mois de campagne nous ont fait oublier que la France était proche du caniveau. Le retour au réel va être terrible et il est sûr que nombreux seront ceux qui seront "vigilants", une attitude qui sera probablement celle d'un parti comme le FN qui s'est fait battre par son clône.

 

Sitemestre des Epées 

Commentaires

  • Non, M. Sarkozy n’a pas été élu “sur un programme de rupture qui remettait les valeurs traditionnelles en avant” : ni le communautarisme, ni une imitation chaotique du modèle de société anglo-saxon - américain ? thatchérien ? -, ni la reprise honteuse des mesures sociétales voulues par la “gauche” ne sont la remise en avant des valeurs traditionnelles. M. Sarkozy a été élu sur un discours de rupture ; de fait, une imposture. Celle qui fait croire qu’il existe encore une droite et une gauche clairement identifiables en matière économique, financière, “sociétale” ou nationale. Les différences ne sont qu’à la marge, notamment en termes d’effacement du rôle dévolu à l’Etat en matière d’initiative et de protection économiques - là, les Etats-Unis pourraient constituer un modèle. Aussi peu importe que Sarkozy ait débauché des personnalités elles-mêmes situées à la marge d’un PS qui n’a plus aucune consistance intellectuelle et politique, pour rejoindre un gouvernement essentiellement UMP. Droite, gauche sont depuis au moins dix ans d’accord sur l’essentiel - la cohabitation Chirac-Jospin et la politique alors menée en matière européenne et économique, comme déjà en matière sociétale, l’ont montré. Durant cette campagne, faut-il encore le rappeler, Sarkozy a dit tout et le contraire de tout et s’il est vrai qu’il a été élu sur des idées traditionnellement dites “de droite”, chacun sait que ce fut un discours, une “posture”, parce que cette “droite”, encore profondément ancrée dans le pays - il en est de même, bien que dans une moindre mesure de la “gauche” -, n’a plus de représentation politique.
    Cela a été dit et répété : Sarkozy est un enfant de Mai 68, en ce sens qu’il a été enfanté par la génération qui a fait mai 68 : il en incarne toutes les valeurs individualistes et hédonistes, où prime le culte morbide de l’argent - et s’il “abolit” Mai 68, ce sera en l’ “accomplissant” jusqu’à la lie - : libéral-libertaire “de droite”, comme d’autres sont libéral-libertaires “de gauche”, tous parlant fondamentalement le même langage et ayant les mêmes convictions : effacement du rôle des nations, soumission à la logique oligarchique et supranationale, soumission donc à l’Europe. Comment ceux-là mêmes qui ont appelé au même vote pour une même constitution européenne, après avoir signé le même accord de Barcelone, notamment, auparavant milité pour le même traité de Maëstricht et voulu le même euro pourraient-ils avoir des divergences sur l’essentiel ? Boutang avait déjà tout vu et dit sur cette oligarchie transnationale - alors en projet - dans les années soixante. Elle est au pouvoir depuis plus d’une décennie ! Ce que Sarkozy a perçu - il fallait être aveugle ou socialiste pour ne pas le voir après le non de 2005 - c’est que le peuple “de droite” ou “de gauche”, qui se sont rejoints, avec leur sensibilité, formant de fait “le peuple” - au deux sens, national et social du terme - REJETAIT - je mets le verbe sensément au singulier - ce pouvoir oligarchique qui, sur le plan national, prépare l’effacement de notre nation, sur le plan social, entame une “modernisation” et une “normalisation” dont les victimes seront la masse des citoyens - non seulement ceux qui sont déjà les plus démunis ou les plus précarisés, mais également les couches moyennes sur lesquelles pèse une pression de plus en plus forte. M. Sarkozy n’a fait qu’habilement tirer les conséquences rhétoriques de ce rejet. Or, jamais comme aujourd’hui les questions d’ordres national et social n’ont été autant liées du fait même que notre indépendance se joue explicitement en termes économiques, financiers et sociaux autant que diplomatiques ou militaires.
    Le non de mai 2005 aurait pu être un événement fondateur s’il avait été prolongé sur le plan politique, mais le système qui effectivement gouverne mal mais se défend bien - et de fait gouverne bien ses intérêts - a immédiatement fait en sorte d’en neutraliser les conséquences en le réduisant à l’état de symptôme, et cela d’autant plus facilement que ce “non”, dès l’origine - notamment en la personne de Fabius - était aussi un non interne au système. Le refus - confus, multiple, mais salvateur - du pays réel a été immédiatement annihilé par le pays légal qui l’a récupéré à son plus grand profit, et il est significatif que le débat se réduise désormais à savoir si le mini-traité préconisé par Sarkozy doit être ou non adopté par voie de référendum ou par voie parlementaire. Il n’y a que Mélenchon pour croire que l’élection de 230 députés socialistes soit une chance pour bloquer la réforme constitutionnelle induite par ce projet et permettre un nouveau débat.
    En ce sens, oui, “le temps est maintenant au travail”, d’autant que la responsabilité du FN dans ce gâchis est immense - comme l’a été celle de Séguin ou de Chevènement qui ont chacun eu à un moment donné un discours de rupture mais n’ont pas eu le courage ou le caractère d’aller jusqu’au bout de leur mission et ont terminé tout aussi piteusement. Depuis 20 ans, le FN avait un boulevard dégagé devant lui, que Le Pen a méthodiquement encombré de ses provocations. Mais c’est le destin de la droite dite “nationale” durant tout le XXe siècle, depuis 1918 et l’embourgeoisement de l’Action française. En 1937, déjà, dans sa prodigieuse Histoire de dix ans, Jean-Pierre Maxence, voyant la France s’enliser dans un Front populaire qui d’un côté, réalisait des réformes sociales nécessaires - et qu’il n’avait pas toutes prévues ! - et de l’autre préparait méthodiquement la défaite à venir, disait sa colère de voir une droite nationale devenue impuissante pour s’être coupée de la nation et du peuple faute d’être restée fidèle à ses valeurs - auxquelles appartient une justice sociale qui ne soit pas un simple slogan. Après tout, c’est à la tradition catholique et royaliste qu’on doit dès le milieu du XIXe siècle les propositions les plus avancées en la matière - alors même qu’un Marx considérait comme inéluctable et nécessaire au progrès de l’humanité l’exploitation des femmes et des enfants ! En restant un parti de protestation bêtement provocateur, et du coup en discréditant le cause nationale, en n’ayant aucune perspective sociale et économique, en ne cherchant pas à ancrer - et à développer - un électorat populaire sur des bases solides, en s’aliénant le monde du fonctionnariat et de l’enseignement par un discours de café du commerce aussi indigne qu’éloigné des réalités, en critiquant le pouvoir des syndicats “de gauche” s’en s’apercevoir que ces derniers n’ont que le pouvoir que la droite dite nationale leur a laissé en se désintéressant depuis des décennies de la question sociale, en apparaissant enfin trop souvent comme liée aux intérêts d’une droite d’argent qui l’a toujours méprisée - jusqu’à préconiser entre les deux tours des législatives un désistement réciproque avec l’UMP : où se situe donc le FN ? -, la “droite nationale”, singulièrement le FN, a perdu l’occasion historique qui se présentait à lui, à elle depuis vingt ans. Si Sarkozy a aussi gagné en apparaissant comme le clone de Le Pen, celui-ci n’a donc qu’à s’en prendre à lui.
    Nous sommes - toutes choses étant égales par ailleurs - dans la même situation qu’à l’aube du XX e siècle, quand des hommes lucides ont vu que la famille politique à laquelle ils appartenaient se sclérosait et perdait le contact avec la nation. Qu’il fallait retrouver un discours crédible, dirigé vers l’intelligence de leur pays, dans toutes ses couches, porteur d’un espoir de changement radical. Ils n’ont pas attendu que d’autres bougent à leur place. C’est ce à quoi nous devons nous atteler : fort de leur expérience et d’une histoire politique et doctrinale riche et variée, comme de notre diversité et de nos convictions, il nous appartient de recouvrer toutes nos valeurs et de nous battre pour elles en travaillant à un nouveau rassemblement qui soit véritablement national et populaire. Oui, vraiment “le temps est maintenant au travail”. Encore faut-il s’y mettre ! Et sans attendre !
    Axel Tisserand

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