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Les Epées - Page 131

  • N°6 - Entretien avec Gérard Leclerc

    Dans les décombres du romantisme
    Entretien avec Gérard Leclerc

    Gérard Leclerc est éditorialiste à France Catholique. Écrivain, il a notamment publié : Jean Paul II, le résistant (1996), Portrait de M. Guitton (1998), L'amour en morceaux (2000) et Le bricolage religieux (2002).

    Il semble que l'on n’ait jamais autant parlé de l'amour mais que son sens n'ait jamais été aussi équivoque. Quel regard portez-vous sur l'amour aujourd'hui ?

    Je partirai d'un constat qui est de plus en plus dans les médias, c'est celui d'un amour cassé et plus grave, cassé dans la tête des enfants. Curieusement c'est le quotidien Libération qui a jeté un cri d'alarme en disant que de plus en plus d'enfants, dès dix ans, regardent des films pornographiques. On commence à se rendre compte que la pornographie n'est pas neutre, comme le disait Claudel, « on ne compose pas avec le mal parce que le mal décompose ». Il décompose en particulier les plus fragiles, car donner dès le départ une image bafouée, violée, de l'amour humain, c'est destructurer profondément des enfants qui vont se débattre jusqu'au bout de leur vie pour se construire eux-mêmes, c'est déstabiliser la société future. Le lien entre la libération sexuelle et les tournantes est indéniable. Qu'un journal comme Libération jette un cri d'alarme est un signe parce que, précisément, ce journal a exalté tous les thèmes de la révolution sexuelle.

    Dans L'amour en morceaux, quelle a été votre démarche pour trouver les racines de l'actuelle crise de l'amour ?

    L'amour humain était semble-t-il parasité par des illusions qui en dénaturaient le sens et qui établissaient un couple étrange entre l'amour et la mort. Cela me renvoyait à la question « qu'est-ce que c'est qu'aimer ? » Pour répondre, nous disposons d'un champ immense qu'est la littérature, qui sans l'amour humain serait réduite à peu de chose. Notamment dans l'univers du roman européen apparaissent précisément l'amour et ses pathologies. J'ai fait le choix de deux romans du XVIIIe pour essayer de comprendre la rupture moderne, La nouvelle Héloïse de Jean Jacques Rousseau et Les souffrances du jeune Werther de Goethe. Je me suis rendu compte qu'entre l'avènement de la modernité et les pathologies contemporaines de l'amour, il y a un lien extrêmement étroit. Ce n'est pas un hasard si ces romans de l'amour sont des romans de l'échec qui consacrent l'impossibilité de l'amour. Comme le dit Aragon « il n'y a pas d'amour heureux », c'est le constat des modernes. L'amour est impossible en ce monde, donc on le transpose dans un au-delà mythique : Werther se suicide, Julie, l'héroïne de La nouvelle Héloïse meurt noyée et sa mort est aussi significative d'un amour qui ne peut pas s'accomplir ici-bas. Tout le romantisme va s'inscrire dans la même logique d'un amour impossible parce qu'il est aux prises avec sa propre pathologie : la passion. La passion est destructrice et mène à la mort et cela s'explique parce que comme disait Maurras à propos de Musset et de Sand « Ont-ils aimé ? Ont-ils vraiment aimé ? ». Je ne crois pas, parce que leur amour était fondamentalement destructeur et ne permettait pas la construction d'un "nous" et le prolongement de ce “vivre ensemble” dans la fondation de la société. Pour examiner cette logique de mort, je reprends Rougemont et Girard, en montrant que la mimesis girardienne, avec ce caractère triangulaire du désir qui fait qu'on fixe son désir sur celui d'un rival, explique l'insatiabilité de la passion destructrice. Rougemont a fait le parallèle avec l'univers Cathare, parce qu'il y a un refus commun des limites humaines. L'amour ne peut s'épanouir que dans un monde mythique qui est au-delà de notre propre amour et cela aboutit à une condamnation même de l'amour dans sa finitude, par une diabolisation de l'amour dans la chair et sa fécondité. Alors que dans l'amour chrétien il y a une béatification de la chair qui est bienheureuse comme l'a montré Michel Henry, parce qu'elle reproduit la vie. Ce romantisme aboutit inévitablement au nihilisme ; l'absolutisation du désir individuel de bien-être, devenant une volonté de puissance destructrice qui fait perdre à l'homme la mesure du réel et le sens des choses. De cette haine d'une réalité bornée, on arrive logiquement à la haine de ce qui peut contraindre l'amour, et principalement sa condition fondamentale, la différence sexuelle d'où se déduit la complémentarité homme-femme.

     Que reste t-il ensuite de l'amour ?

    On en revient à l'amour cassé. Les ouvrages de Michel Houellebecq constituent une grande parabole de cet écroulement d'un monde et de la responsabilité de la révolution sexuelle dans la dissolution sociale et le désamour. On en reste au constat que l'amour humain est détruit et, qu’à force d'obsession du sexe, on a tué le sexe, et on y a perdu notamment le sens de l'amour et de la relation qui précède tout rapport sexuel. Lacan disait d'ailleurs qu'il n'y a pas de rapport sexuel ; il avait parfaitement raison, il y a de l'amitié, de l'amour mais pas à proprement parler de rapport sexuel, c'est l'amour qui met les gens en rapport et la sexualité prend seulement sens dans cette relation profonde. Sans faire d'idéalisme, la sexualité est partie prenante de l'amour humain et de ce point de vue-là on pourrait prendre un philosophe comme Michel Henry pour restituer à la chair toute sa signification forte, mais le rapport sexuel déconnecté de la chair, c'est à dire de la totalité de l'être, de l'individu et de la personne, ça n'a plus de sens et tout disparaît. C'est la logique de l'individualisme qui tue l'individu, c'est la logique du plaisir qui tue le plaisir et, par delà, qui tue le sens même des choses de la vie en société. Cela on s'en aperçoit dans un processus cumulatif qui fait que l'on passe de la dévaluation de cette relation fondamentale structurante qu'est la différence sexuelle, à l'exaltation de différentes formes d'homosexualité où on met à égalité toutes les pratiques sexuelles sans comprendre précisément que les pratiques sexuelles ne signifient rien en dehors des relations fondamentales qui leur donnent sens. De là, on passe à l'exaltation du Queer, ce règne intermédiaire de l'étrange, à l'encontre de ce qui fait sens dans la conception judéo-chrétienne : la création comme séparation. Le Pape Jean Paul II, qui a réfléchi depuis toujours sur l'amour humain a justement été frappé par cette phrase de la Genèse (1,27) « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa ». La création à la ressemblance de Dieu est associée directement à la création de la différence sexuelle. L'image de Dieu s'imprime notamment dans la nature humaine au travers de la séparation des sexes qui donne sens à l'humanité. S'il peut y avoir un amour humain, c'est justement parce qu’au travers de cette différence sexuelle, Dieu a imprimé son image d'amour dans la réalité humaine. Nous avons affaire ici à une réalité d'une grandeur singulière mais que notre modernité s'acharne à détruire. Tout cela n'est pas une simple spéculation intellectuelle mais retentit dans la vie sociale, parce que l'amour en morceaux, c'est la dissolution des couples, c'est la souffrance des enfants, c'est la violence sociale des quartiers.

     Une conception fausse de l'amour ébranle donc jusqu'à l'ordre social ?

    Le lien social repose sur cette différence fondatrice qui est le point de départ de toute l'histoire humaine comme l'a montré le Père Gaston Fessard. Le rapport social fondamental n'est pas la relation du maître à son esclave de Hegel ou de Marx, mais la relation amoureuse fondée sur la différence sexuelle à partir duquel toute l'arborescence de l'histoire va se constituer. À partir de la filiation, mais aussi de cette réalité importante qu'est la prohibition de l'inceste qui va produire un processus de fraternisation qui doit être déconnecté de l'amour génésique pour produire le lien social.

    Vouloir effacer le principe de la différence sexuelle comme fondatrice du lien social est une erreur anthropologique fondamentale. Cela aboutit à effacer des notions aussi essentielles que paternité, maternité, filiation, qui sont les marques les plus structurantes du corps social et qui permettent comme le dit Pierre Legendre, le processus d'humanisation. Il y a une articulation naturelle entre l'amour qui est le point de départ de la génération humaine et ce qui crée le lien social, ce qui fait que l'amour nous renvoie à la loi. On ne peut séparer l'un et l'autre. Il y a dans l'amour humain quelque chose qui aspire à s'instituer, parce que la vie civilisée passe par l'institution de la vie précisément. Quand l'amour n'aboutit pas à l'institution de la vie, on tombe dans l'anomie et le processus d'humanisation ne peut plus se faire. L'amour chrétien institutionnalisé et fondé sur la liberté des consentements est devenu le pivot même de la vie sociale. Le mariage est forcément pris en compte par l'État comme noyau de la société. Auparavant l'Église était la garante de cette institutionnalisation de l'amour mais dans une société laïque c'est à l'État de reprendre ce rôle-là. C'est une fonction nécessaire, l'État doit être garant de cette institution de la vie, c'est la mission du politique, et s'il n'y a pas cette garance, l'humanité est mise au péril d'elle-même. À partir d'une réflexion sur l'amour s'offre une entrée royale dans la politique au plus noble sens du terme. Ce qui nous place devant la nécessité de ne pas se tromper en ce qui concerne l'amour, sinon les conséquences sont gravissimes, c'est la pérennité de l'humanité, toute la vie sociale, l'histoire même qui est en cause.

    Que dire à la génération sacrifiée par cette libération sexuelle qui n'a été qu'une aliénation de l'homme ?

    Il y a une difficulté fondamentale de l'amour moderne. C'est qu'il n'y a plus les formidables soutiens des sociétés holistes où les rôles étaient fixés par avance. Dans les sociétés modernes nous sommes abandonnés à notre propre fragilité et à la fragilité de l'autre. Tout le problème consiste en un pari : ces fragilités peuvent-elles être transcendées dans une promesse ? C'est tout le risque de la liberté et de l'amour. Gabriel Marcel et Paul Ricœur ont bien réfléchi à cette question. Il y a deux notions incluses dans la promesse, celle de parole donnée mais aussi la notion de projet commun qui fait que l'on a foi l'un en l'autre, mais que cette foi se traduit en un projet qui est toujours en devenir et va nous permettre de libérer notre propre liberté pour qu'elle ne soit plus adolescentrique, égotique, etc. L'amour, c'est construire ensemble une histoire. C'est sortir de soi-même et trouver la bonne distance par rapport à l'autre, c'est ce qui va permettre à l'autre d'exister tout en vous permettant d'exister, c'est ça le mystère de l'amour, formidable risque, et fragilité, mais formidable chance. C'est l'appel de l'amour engagement qui ne va pas sans l'alliance et la promesse biblique. Tandis que nos individualismes modernes sont des individualismes faibles dans la mesure où ce sont des fantômes qui se cherchent eux-mêmes et qui n'ont pas l'audace de l'alliance. L'amour humain est un risque à un prix très élevé mais n'en vaut-il pas la peine ?

    Propos recueillis par Alain Raison.
     

  • N°6 - Entretien avec Christian Authier

    Du pédéraste à la gay pride, la déviance devenue norme sociale
    Entretien avec Christian Authier
    Christian Authier, est journaliste à L'opinion indépendante, auteur du Nouvel ordre sexuel, Bartillat 2002.

    L'homosexualité est une pratique ancienne. Elle est devenue un problème social quand elle a eu prétention a être une identité fondatrice équivalente à l'hétérosexualité. Christian Authier revient sur un processus de normalisation, où la question du sens de la norme sociale amoureuse n'est jamais posée, les voix seules et l'argent sont comptés.

    Comment une déviance telle que l'homosexualité devient-elle une norme sociale ? Comment s'institutionnalise-t-elle ?

    Je dirais que l'"institutionnalisation" de l'homosexualité a été un phénomène lent depuis l'après-guerre et fulgurant ces 10 ou 15 dernières années. Elle a plusieurs explications : l'évolution des mœurs liée aux conquêtes et aux luttes du féminisme et des avant-gardes minoritaires militantes. Peu à peu, l'homosexualité s'est intégrée, en particulier par une imprégnation culturelle, au travers de l'art, de la musique populaire, la mode, etc.

    L'épidémie du SIDA a t-elle accéléré ce processus ?

    Effectivement, l'épidémie du SIDA, fut un tournant décisif au milieu des années 80, mettant l'homosexualité au cœur de débats sanitaires et publics. Il a résulté de cette tragédie une sensibilisation de l'opinion publique à la fois à l'épidémie et à la condition homosexuelle en général. Les représentations ont été également fortement modifiées sous l'effet d'œuvres littéraires comme celles d'Hervé Guibert ou cinématographiques telles, Les nuits fauves, qui aura été un des plus gros succès populaires du cinéma de la fin des années 80. Une aura à la fois noire, désespérée et romantique, qu'ont charriée ces œuvres, a amorcé toutes sortes de débats et amené un regard plus tolérant de la société française sur l'homosexualité.

    La logique du marché a ensuite avalisée l'institution du groupe gays dans la société, par la production de biens culturels et identitaires ?

    Plus près de nous, l'intégration de la culture gay, jusque-là minoritaire, dans le système marchand dominant a largement diffusé des codes et des produits dans le grand public via la publicité, la mode ou la musique. Rappelons pour l'anecdote que la chanson qui a fait danser la France lors de la victoire de la Coupe du monde 98, I will survive, était auparavant l'"hymne" des gays américains. Cette marchandisation est propre à tous les communautarismes. Les appartenances se débitent en tranches, en rondelles identitaires, puis se créent des produits, des programmes audiovisuels, des magazines, des tarifs préférentiels ou des contrats d'union spécifiques. En ce qui concerne les homosexuels, on a pu voir de nombreuses campagnes publicitaires ou la création de produits ciblés. Par exemple, des entreprises comme la Maïf ou Bouygues Télécoms ont investi ces parts de marché, Bouygues proposant notamment un "Pacs téléphonique".

    Si on en croit les analystes économiques, les homos sont une cible de choix puisque, souvent célibataires et sans enfants à charge, ils ont des revenus supérieurs à la moyenne, tournés vers les loisirs et la consommation... Ce "type d'homosexuel", peut-être largement rêvé par les annonceurs, incarne le consommateur idéal, ce qui explique l'intérêt que le marché lui porte. Par ailleurs, dans l'ambiance générale favorable à l'homosexualité, quoi qu'en disent les campagnes de presse, il est toujours bon pour n'importe quelle entreprise d'avoir la touche gay friendly, sorte de brevet de citoyenneté et de tolérance. Est-ce que la condition homosexuelle avance avec ce genre de gadget cynique ? Chacun jugera. On peut relever deux attitudes relatives à cette intégration : l'une qui l'observe avec bienveillance et se félicite de la chute de nouveaux tabous ; l'autre plus circonspecte, plus critique sur ce que l'on peut considérer comme une récupération. Ainsi, Benoît Duteurtre, dans son roman Gaieté parisienne, pose un regard satirique et critique sur un milieu gay aussi conformiste et uniforme que le reste de la société. Désormais, certains homosexuels semblent plus enclins à courir après tous les stéréotypes de l'époque moderne (consumérisme frénétique, hédonisme béat…), et l'on peut se demander si la "gay attitude" n'est pas devenue le fer de lance de l'ordre social et moral du capitalisme contemporain. C'est, me semble-t-il, l'aspect le plus intéressant de cette intégration et de cette banalisation de l'homosexualité. On a oublié commodément l'analyse de Pasolini, qui afficha son homosexualité à une époque où elle n'était pas encore "branchée", se livrant dès le milieu des années 70 à une critique impitoyable du nouveau capitalisme qui dénaturait, à ses yeux, les anciennes exigences libérales et progressistes en une banale tolérance morale avide de biens de consommation.

    On projette actuellement un film sur les déportés homosexuels. Il semble que l'homophobie ait été instrumentalisée en levier de reconnaissance sociale : les gays jouant du statut de victime persécuté par analogie au génocide juif, pour stimuler une solidarité à leur égard.

    Très vite, les milieux militants homosexuels américains ont usé d'analogies entre le sida et le génocide juif, représentations reprises en France par certaines associations comme Act-Up. Ce qui est frappant ces dernières années dans les débats autour de l'homosexualité, c'est la réduction de l'individu à sa sexualité, en l'occurrence à l'homosexualité, puis la réduction de l'homosexuel au statut de victime. L'homosexuel devenant ainsi le paria ultime subissant les pires discriminations, la victime des victimes. En France, l'universitaire et essayiste Didier Eribon, réduit ainsi dans une vision quasi-paranoïaque la condition d'homosexuel à celle d'un individu évoluant dans « un monde d'injures » (sic). De fait, il réclame des lois pour réprimer une homophobie supposée envahissante. Selon les termes d'Eribon, il s'agirait de se prémunir contre « l'injure réelle ou potentielle ». Ce concept d'« injure potentielle » est assez inquiétant et n'est pas sans évoquer les cauchemars orwelliens. Paradoxe : on n'a jamais autant parlé d'homophobie alors que jamais l'homosexualité, du moins en France et en Occident, n'a été autant intégrée dans les normes sociales. L'adoption du Pacs, le succès de la Gay Pride comme de films (Pédale douce, Le placard…) ou de livres prônant la tolérance ou l'élection à la mairie de Paris d'un homme politique ayant fait son coming-out, en sont autant de signes forts. La mode de la "pride" (la fierté en VF) et de la parade, pourrait-elle s'épanouir dans une société homophobe ? On pourrait aussi s'interroger sur cette nouvelle "fierté"… Doit-on être fier de sa sexualité ? S'il n'y a pas de honte à être homosexuel ou hétérosexuel, quel motif de fierté peut-on en tirer ? Raisonnablement aucun, à moins de considérer le narcissisme et le contentement de soi comme l'un des traits dominants de notre époque.

    Peut-on dire en résumé qu'ils utilisent leur statut de victimes, pour partie réel et pour partie fantasmée, pour obtenir des droits ?

    être homosexuel, en caricaturant à peine, cela peut être aussi un label, ou servir de caution par le biais justement du statut de victime. Comme le montre l'exemple de Philippe Meynard, conseiller municipal pendant dix d'une commune de Gironde de deux mille habitants, qui, du jour où il a fait son coming out et qu'il s'est plaint de réactions homophobes dans son village, est devenu une star des médias, a publié un livre et a été promu dans les instances de son parti politique. En faisant part de sa seule inclination sexuelle, il a acquis un statut médiatique et politique que dix ans de carrière ne lui avaient pas permis. C'est une promotion stupéfiante.

    Lors du vote du PACS, on ne parlait que d'héritage, de colocation, de loyer... Il s'agissait essentiellement d'affaires de gros sous. Alors, le PACS, institution bourgeoise ?

    C'est l'accusation qu'ont lancée notamment certains homosexuels attachés à ce qui faisait, à tort ou à raison, une certaine identité homosexuelle liée à la marginalité, au refus des règles établies et de l'ordre bourgeois. Il est vrai que l'on n'imagine guère Jean Genet en train de se pacser. Le plus intéressant fut de voir que ce sont les avantages fiscaux et de succession qui ont été souvent mis en avant par les médias traditionnels pour faire la promotion du PACS. Il faut dire aussi, au vu des chiffres (environ 35 000 PACS conclu après les dix-huit premiers mois d'entrée en vigueur de la loi), que le PACS ne concernait finalement que très peu de monde. Contrairement à ce que l'ampleur des débats politiques et médiatiques laissaient supposer, il ne s'agissait sans doute pas d'une mesure essentielle et primordiale pour les Français, homosexuels ou non. Plus profondément, le PACS me semble traduire l'émergence de contrats spécifiques, de lois précaires ou dépréciées, censées répondre aux attentes de communautés ou d'intérêts particuliers. Ce n'est plus le bien commun qui guide le législateur, mais le corporatisme ou le clientélisme.

    Propos recueillis par S. de Kererro