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  • N°10 - L ‘Education du souverain

    L’éducation des citoyens ne fait pas recette : les politologues et les pères La Morale de Sciences Po déplorent l'abstention, l’incivilité, l’individualisme ; ils gémissent plus encore face à la Show-Démocratie, où le politique devient laid, imbécile et vulgaire. Sans doute oublient-ils que l’éducation, pour être aimable et utile, doit souligner le relief et les couleurs de la Cité, pour que celle-ci lui donne les caractères de sa propre réalité, et lui insuffle le goût de la civilisation et le sens du bien commun. « Liberté de qui ? » interrogeait Maurras ; cela veut dire aussi : « éducation de qui ? ». Jadis on préparait une personne à régner ; aujourd'hui, on déclare souveraines des quantités anonymes qui, au besoin, ne se reconnaissent aucune cité, mélange de tout le monde et de personne, alchimie de beaux principes et de déconvenues perpétuelles… L’abstraction et le mythe du souverain collectif font du peuple la proie de toutes les convoitises, et il est encore la victime des admonestations et rappels des maîtres-censeurs, qui attendent l’héroïsme moral face aux disfonctionnements de l’élection et aux vanités de l’Opinion.

     
    C’est l’histoire de ce malheureux transfert d’éducation que nous voudrions rappeler ici.

     

  • N°10 - René Fallet, un prophète disparu

    Seule dans toute la presse, Les Epées ont rendu un hommage à René Fallet… 
     
    Par Xavier Trébord

     
    À l’heure où les canons de l’humour semblent indissociables de la dérision ou de la parodie vaguement provocatrice, celui de Fallet a la consistance, la saveur et le puisant fumet d’une soupe d’antan. Un humour grinçant, loufoque, mais efficace aussi : quelques croûtons bien frottés d’ail nagent dans la soupière, et viennent nous rafraîchir l’haleine.
     
    Mais Fallet est aussi un chroniqueur (et non pas un faux témoin), qui nous livre une parcelle de mémoire populaire rarement évoquée aujourd’hui, peut-être par mauvaise conscience, sûrement par désintérêt. Dans son premier roman, Fallet, natif de Villeneuve Saint-Georges, nous présente une bande de gouapes de banlieue ; il est peu probable que cette bande reconnaisse aujourd’hui le théâtre de ses exploits, de même que son argot plantureux ne lui serait pas d’un grand secours à l’improbable rade du coin. Aussi, qui se souviendra dans cinquante ans de cette époque où Paris n’était pas entouré de barres conglomérées, mais de villages et de bourgs presque jaligniens ?
     
    Fallet est, comme son fidèle comparse Brassens, un barde de l’amitié. Une amitié rude, épaisse, plutôt du goût de celle du régiment ou du zinc. Avec Jules Romains (Les copains) et l’ineffable Antoine Blondin, Fallet est un des plus pertinents descripteurs de ces ambiances empuanties de Caporal ou de petit gris, dans lesquelles une bande agglutinée au comptoir lève l’ancre et quitte le monde des vivants pour atteindre celui des viveurs. Les tournées se suivent et ne se ressemblent pas, les mouches essaient désespérément de coller au fond des verres, dans lesquels la marée pinardière monte et descend à un rythme endiablé. Nos héros, ayant atteint leur taux de croisière, se jettent à corps et âmes perdus dans des débats philosophiques ou sociétaux (Hou ! Le vilain mot...) d’une paradoxale lucidité. Et si d’aventure on se fâche, il est de bon aloi, après quelques rafales de chevrotine, de faire la paix autour d’un canon, pacifique celui là, et qui, comme le malheur, n’arrive jamais seul.
     
    Allez, mon Glaude, on va s’en jeter un ?
     
     
    Xavier Trébord